Pour commencer, je vous propose d’écouter par ma voix, les paroles d’une spécialiste, publiées dans la rubrique Religion et spiritualité, La Croix du 6 janvier dernier. 

 

Voici la citation où en fait les paroles de la journaliste sont aussi incrustées.

 

« Dans une perspective chrétienne, l’accomplissement est une réalité que l’on reçoit plutôt qu’une réalité que l’on se donnerait à soi-même. Tout part de la prise de conscience que je suis un être unique et singulier pour Dieu », note Marie-Agnès Bourdeau. 

 

Cette membre de la Communauté de vie chrétienne, également accompagnatrice, constate combien la parole de Dieu dans Isaïe – « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime » (Is 43, 4) – touche les personnes lors de retraites selon les Exercices spirituels. 

 

À partir de cette prise de conscience, le croyant va essayer d’entrer dans un dialogue, une relation avec Dieu qui est appelée à être de plus en plus vivante et libre. Car la clé, c’est la liberté, rappelle le jésuite. 

 

Une liberté qui se vit dans une sorte de détachement du soi, citadelle construite par l’imaginaire, l’éducation, les représentations que l’on se fait de Dieu… » Fin de citation. 

 

Que la date coïncide avec l’Epiphanie, peut-être qu’il n’y a rien à en tirer comme conclusion, toujours est-il que cela me parle comme une révélation, comme des retrouvailles avec ce que j’ai toujours cherché à travers ma propre vie et pour la vie des autres. 

 

Comment concilier la foi, ce pur don, et la personne que l’on est. Le travail sur soi prend alors une dimension bien particulière, celle d’une recréation en Dieu. 

 

Mais ce n’est pas de tout repos, car les fausses pistes sont bien nombreuses et souvent la bonne route est barrée par des obstacles que l’on n’avait pas vu se dresser avec les bleus sur le corps et dans le corps comme conséquences lorsqu’on les heurte, sinon pire, qui nous assomment. 

 

Mais il y a mieux, la véritable révélation se trouve dans la phrase pivot qui permet de véritables avancées, c’est la suivante: 

 

“Connaître ses blessures est le travail psychologique, les assumer est le travail spirituel. » 

 

Nous y voilà. Si souvent on s’arrête sur la prise de conscience de ce que l’on est en accumulant des connaissances sur soi, ce qui est déjà bien, ne pas refuser de voir un spécialiste pour qu’il aide à mettre des mots justes qui résonnent comme des révélateurs de la réalité enfouie et avec laquelle on se débat parfois durement, souvent depuis toujours. 

 

Cette étape est même indispensable, alors que naguère encore on croyait pouvoir résoudre tous les problèmes dans un confessionnal à coup de résolutions généreuses ou données à la suite des menaces proférées d’un côté de la grille et bien intégrées de l’autre. 

 

Et les conséquences en sont multiples, en plus de mutilations diverses touchant bien la conscience et le corps, en prime on a constaté la désaffectation quasiment totale des confessionnaux. 

 

Ce n’est peut-être la faute à personne ! ? L’évolution sociale prenant en effet de court les pourvoyeurs de bonnes paroles prononcées au nom de la justice divine, parfois de sa colère et la miséricorde brandie comme solution toujours à tous les problèmes ne les a pas retenus non plus.

 

Ignorer une telle situation en persistant dans le déni d’évidence – pas la seule, mais d’une violence qui laisse des traces pour bien de générations – c’est continuer à ne pas voir ce que tout le monde voit. 

 

Et ce que tout le monde voit, c’est que vouloir réguler la vie spirituelle des croyants sans tenir compte de la dimension psychologique ne marche plus, ne marche pas. 

 

Ces deux dimensions, psychologique et spirituelle, sont totalement imbriquées l’une dans l’autre dans une interdépendance effective sur l’ensemble, chacune fonctionnant selon ses lois propres. Qui ne sont pas interchangeables. 

 

Appliquer les règles spirituelles pour résoudre les problèmes liés aux blessures, et vice versa, c’est comme vouloir administrer un médicament laxatif pour soigner la constipation ou le contraire. 

 

En s’obstinant à ne pas voir l’autonomie de la dimension psychologique avec ses marqueurs bien visibles, car sensibles que sont les blessures, on pourrait seulement renforcer la discipline à laquelle quelques esprits bien dociles, surtout dans une approche traditionnelle pour ne pas dire traditionaliste, consentent pour être en paix avec le bon Dieu. 

 

A cet égard, il serait intéressant de savoir non pas tant comment on intègre cette dimension psychologique dans l’enseignement dispensé dans les séminaires, ces lieux de formation de futurs prêtres, mais comment c’est réellement vécu. Et on serait sans doute surpris. 

 

Sans nécessairement aller à la chasse aux pédophiles ou autres déviants, mais sans doute plus que jamais, à cette occasion, est à prendre en compte la dimension humaine; purement humaine, avec ses reliefs et ses creux, ses plaines et ses déserts, ses réussites et ses errances, ses déprimes et ses exaltations. 

 

Pour le croyant, le travail psychologique sur soi n’est qu’une première étape qui ouvre aux succès de l’autre, spirituel. L’ancien jésuite, (encore un!) Roustang, en France le père des soins par hypnose, considérait l’existence humaine sous ces deux aspects uniquement, corporel et spirituel. 

 

La dimension psychologique étant pour lui totalement, intimement liée au corps et à ses lois. 

 

On peut discuter sur une telle répartition, mais on ne peut pas nier la proximité, voire la dépendance totale du corps de son vécu qui a imprimé ses propres expériences accumulées, entachées, broyés par le temps, déchiquetées pour mieux digérer, malaxées avec les rêves, y compris spirituels. Sans s’en sortir ni indemne, ni amélioré. 

 

Nous sommes tous des icônes vivantes de notre propre histoire et Dieu prétend s’y reconnaître dedans, dans cet amas de souffrances souvent mal dissimulées. 

 

Mieux, en prime, de façon aussi efficace que humiliante, il exerce son avantage, celui de nous mettre à genoux.

 

Et là c’est peu glorieux, mais la gloire de Dieu n’est pourtant pas loin, elle est à la portée de main, elle se présente sous forme d’un accompagnement spirituel qui peut signifier un chemin non pas de réparation, mais de reconstruction.  

 

Comme dans la dimension purement psychologique, mais là, c’est en assumant de façon particulière : pas à sa place, mais à partir de la dimension spirituelle. 

 

La particularité réside en effet dans le fait que pour un croyant, chretien en l’occurrence, la vie est un don de Dieu et que nous avons tous et chacun pour sa part, du prix à ses yeux. Les yeux, qui comme nous le croyons, sont grands ouverts sur ce qui est au juste en nous et avec nous.

 

Assumer le travail spirituel sur le terrain purement psychologique c’est probablement le plus dur, non pas que le terrain de la rationalité soit facile pour se confronter à la foi.  

 

Mais là, il n’y a pas de faux fuyants ou de pirouettes qui ressemblent plus aux figures de style qu’à une pensée bien élaborée et ouverte à l’égard de ce qui n’est pas de sa bergerie. 

 

Le raisonnement que l’on tient pour étayer la foi ou l’athéisme affichés, contrairement à ce qui est communément répandu, peut se laisser convaincre, parfois par des procédés peu glorieux (une sorte d’abus d’autorité) exercés par la culture dominante avec ses dogmes du prêt à porter.

 

C’est autour de la libération que le croyant comme son antonyme organise la progression de sa vie. 

 

Et le croyant va le faire face à Dieu et ses représentations, sa présence et ses lois, ses appels à nouer une relation et y répondre.  

 

Parfois il va le faire par suite d’un long processus de libération intérieure pour s’ouvrir à une autre évidence, et ce qui était un déni d’évidence devient une évidence de déni que l’on a ainsi démasqué. La liberté est à ce prix et elle n’est d’aucun bord.

 

Pour terminer, reprenons la lecture de La Croix 

 

“il y a quelque chose d’un accomplissement pas tant de soi que d’un accomplissement de vie qui se déploie de plus en plus parce qu’elle vise la relation avec Dieu. »

 

Ce n’est pas une vie formatée car chacun est unique et ce n’est pas acquis une fois pour toutes. « Nous sommes des apprentis de la vie qui – au milieu de mille difficultés – apprennent à apprécier le don de Dieu, en assumant la responsabilité de le partager et de le faire fructifier pour tous. (…)

 

Notre existence sur terre est le temps de (…) l’initiation à une vie plus complète ; une vie qui ne trouve son accomplissement qu’en Dieu seul », dixit le pape François dans une catéchèse du 10 août dernier. 

 

Mais les chrétiens peuvent avancer avec, pour boussole, cette parole du Christ rapportée par l’évangéliste Jean : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »

Florence Chatel.” Fin de citation 

 

Tout accompagnement spirituel vise la libération et pour cela il faut une bonne clef, car les serrures qui sont fermées ont des formes différentes dans ces deux dimensions, psychologique et spirituelle. 

 

Un bon outil, dans le bon ordre, d’abord spirituel qui peut se laisser libérer rapidement si toutefois on arrive à nouer une véritable relation avec Dieu, par delà les représentations qui l’empêchent. Son pardon est inconditionnel et donc immédiat. Son accueil est long et ce à cause de la lourdeur du corps qui penche vers la terre et ses vicissitudes, alors que le ciel et l’âme y aspirent. 

 

Les blessures humaines qui peuvent concerner aussi l’image de Dieu sont à soigner sur le terrain psychologique avec les outils qui lui sont propres. 

 

Tout est alors en chemin bien que rien ne soit abouti, mais l’espoir de l’être un jour par la grâce du don divin, plutôt que de le réaliser par ses propres forces, est un facteur stimulant pour ne pas s’arrêter à la première difficulté, sans savoir laquelle sera la dernière. 

 

Assumer, c’est le propre de la dimension spirituelle et on le peut car on a un allié qui est plus fort que tout. 

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Religion&spiritualité

Témoigner/Articuler foi et travail sur soi

 

« Dans une perspective chrétienne, l’accomplissement

est une réalité que l’on reçoit plutôt qu’une réalité

que l’on se donnerait à soi-même. »

 

« Tout part de la prise de conscience que je suis un être unique et singulier pour Dieu », note Marie-Agnès Bourdeau. 

 

Cette membre de la Communauté de vie chrétienne, également accompagnatrice,

constate combien la parole de Dieu dans Isaïe – « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime » (Is 43, 4) – touche les personnes lors de retraites selon les Exercices spirituels. À partir de cette prise de conscience, le croyant va essayer d’entrer dans un dialogue, une relation avec Dieu

qui est appelée à être de plus en

plus vivante et libre.

 

« Car la clé, c’est la liberté, rap-

pelle le jésuite. Une liberté qui se vit dans une sorte de détachement du soi citadelle construit par l’imaginaire, l’éducation, les représentations que l’on se fait de Dieu… »

 

On peut par exemple avoir du don de soi l’idée que cela doit coûter au point de s’oublier soi-même.

 

Mais une telle vision du don véhicule l’image d’un Dieu qu’il faut craindre ou dont il faut exécuter les consignes. Par ailleurs, c’est une manière subtile de rechercher un

soi idéalisé, parfait, de se consti-

tuer en idole. Or, la vie spirituelle

conduit progressivement la per-

sonne à démasquer ses idoles et ses fausses images de Dieu pour laisser Dieu l’en libérer, comme avec le peuple hébreu dans la Bible.

« Est-ce que l’on se cherche soi

ou l’on cherche Dieu ? Est-ce que je cherche à être sauvé seul ou avec les autres ? Nous ne vivons pas sur une île déserte. Il n’y a pas d’accomplissement de soi sans guérison intérieure, sans avoir des relations avec

les autres, saines, harmonieuses »,

relève Marie-Agnès Bourdeau qui reconnaît avoir elle-même été aidée par une psychanalyse en plus d’un accompagnement spirituel. « Il faut connaître ses blessures pour demander à Jésus d’être sauvé. Connaître ses blessures est le

travail psychologique, les assumer est le travail spirituel. » Alors progressivement se dessine une route où, dans une relation de révélation mutuelle, la personne découvre

peu à peu qui est Dieu et qui elle

est avec ses dons, ses limites, ses zones d’ombre, aimée telle qu’elle est. « Au fond, ce qu’il faut soigner, c’est la libération du désir de la personne, note encore le jésuite accompagnateur. Si cette naissance ou cette prise de conscience d’un désir de vivre, dans la prière, dans le chemin des Exercices, progressivement s’oriente vers Dieu, alors on

peut parler de liberté. En ce sens-là, il y a quelque chose d’un accomplissement pas tant de soi que d’un accomplissement de vie qui se déploie de plus en plus parce qu’elle vise la relation avec Dieu. »

Ce n’est pas une vie formatée carbchacun est unique et ce n’est pas acquis une fois pour toutes. « Nous sommes des apprentis de la vie qui

– au milieu de mille difficultés –

apprennent à apprécier le don de Dieu, en assumant la responsabilité de le partager et de le faire fructifier pour tous. (…) Notre existence sur terre est le temps de (…) l’initiation à une vie plus complète ; une vie

qui ne trouve son accomplissement qu’en Dieu seul », aimait dire le pape François dans une catéchèse le 10 août dernier. Mais les chrétiens peuvent avancer avec, pour boussole, cette parole du Christ rappor-

tée par l’évangéliste Jean : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »

Florence Chatel