Journée de ceci et journée de cela, l’éventail est aussi large que le nombre de jours dans l’année, et même en déborde, il n’y a plus de jours pour célébrer séparément chaque aspect de la vie.

 

De nombreuses journées se font concurrence de façon similaire au calendrier liturgique chez les catholiques, dont la liste de commémoration des saints est exhaustive seulement chez les moines qui la lisent au cours d’un repas pris en silence, et ainsi ils enracinent leur mémoire dans les événements édifiants du passé.

Commémoration de ceci ou commémoration de cela, c’est pour attirer l’attention sur un aspect de la vie personnelle, mais pris en compte de façon collective, en société.

 

Ainsi sont nées la journée de la femme le 8 mars et la journée des travailleurs le 1 mai, comme emblèmes portés par les mouvements de la lutte pour l’égalité entre “le sexe fort et le sexe faible” et de la lutte de classes, peu à peu transformées en celles des droits du travail appuyée sur les syndicats.

 

Et en même temps, cela fait courir le risque de se contenter d’y faire attention une journée dans l’année pour certaines commémorations, alors que toutes les autres échappent aux radars et sont passées sous silence. Puis éventuellement de revenir au sujet un an plus tard.

 

C’est déjà cela !

En effet on ne peut pas mettre la même attention et la même intensité émotionnelle sur tout ce que nous trouvons sous la main, déjà ne pas oublier l’anniversaire de mariage frôle parfois un exploit auquel la mémoire est conviée (surtout chez les hommes).

Les journées de ceci ou de cela sont dans une chronologie de l’évolution historique la réplique du calendrier des saints, dont chaque saint patron était préposé à une clause d’assurance de bonne vie, tel saint Florian pour protéger du feu 🔥, saint Antoine spécialisé dans les retrouvailles avec des choses perdues ou sainte Rita chargée d’alléger le poids des causes désespérées.

À l’époque actuelle, les journées de ceci ou de cela supplantent allègrement le marquage chrétien.

Les chrétiens pour ne pas se faire distancer par de telles nouvelles pratiques qui rejoignent et augmentent même les pratiques bien païennes (qualifiées comme telles par les chrétiens), leur emboîtent le pas.

De façon boiteuse d’abord, de bon aloi ensuite, pour finalement s’y mettre dans la course pour savoir qui serait plus original et qui remporterait le plus grand succès en termes d’audience et de participation.

Tout en faisant semblant de ne pas tenir compte de l’initiative d’en face. C’est ainsi que va procéder Pie XII en 1955 instituant la fête patronale des artisans. Ainsi saint Joseph sera mis à l’honneur comme patron chrétien des travailleurs le 1 mai. Et des exemples dans l’autre sens ne manquent pas non plus.

Le 21 mai est cette année la journée des médias et de la communication, journée lancée par le pape François sur un thème qui lui ressemble tant : “Parler avec le cœur. Selon la vérité dans la charité.”

Le Pape estime que communiquer « à cœur et à bras ouverts» n’est pas l’affaire de quelques-uns, mais la responsabilité de tous. Comme pour beaucoup d’autres domaines de la vie en Eglise et de la société.

 

Parler avec le cœur, selon la vérité dans la charité, cela doit me ressembler aussi quelque part.

Que l’on me pardonne ce manque de retenue, mais comme je le crois, c’est pour une bonne cause, pour faire la jonction entre 21 et 22 mai, c’est qui devient plus clair dans la suite de ce podcast.

 

En effet, la prière que je formule en début de la confession (sacrement du pardon et donc de réconciliation), qui est une communication par excellence, est la suivante : “Que le Seigneur vous donne les paroles de vérité plongées dans son amour”.

Cela suppose une compréhension spirituelle et une explication rationnelle.

“« L’appel à parler avec le cœur interpelle radicalement notre temps, tellement enclin à l’indifférence et à l’indignation», écrit le Pape François dans son message pour la 57e Journée mondiale des communications…

Le Saint-Père encourage à aller à contre-courant pour favoriser la paix, à l’exemple de saint François de Sales, patron des journalistes, dont l’Église commémore la mémoire le 24 janvier.

 

Nous voilà à la jonction entre les journées mondiales comme tant d’autres et le calendrier liturgique.

Mais la société civile, comme déjà mentionné plus haut, n’est pas en reste. 

Le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993.

Cette initiative fut motivée par l’appel des journalistes africains réclamant l’indépendance des médias et sur le pluralisme des médias.

Ce à quoi il faut ajouter le besoin d’honorer la mémoire des journalistes qui ont payé de leur vie sur les différents théâtres d’opérations militaires.

 

Couvrir les évènements dans les zones à risques au péril de la vie, c’est s’exposer à une gloire posthume qu’ils ne cherchaient sans doute pas.

Certainement moins que les missionnaires partis dans des conditions semblables.

Pourquoi donc saint François de Sales, évêque de Genève de 1602 jusqu’à sa mort à 55 ans en 1622, où il n’a jamais pu résider à cause de la prise de Genève par des calvinistes, est-il depuis 1923 le saint patron des journalistes et des écrivains?

 

C’est un homme d’écriture, il laisse une œuvre importante qui témoigne de sa vision de la vie. Son œuvre la plus célèbre, l’Introduction à la vie dévote, remporta un très grand succès dès sa parution, et est considérée aujourd’hui comme une œuvre majeure de la littérature chrétienne.

Il est connu pour son recours à l’imprimerie, ses publications comptent parmi les tous premiers journaux catholiques au monde. Il savait communiquer en utilisant les moyens disponibles.

Sa devise d’action missionnaire : rien par force, tout par amour, lui a valu si non d’être écouté tout au moins d’être respecté, en tant que conseiller de Louis XIII il remplit ses deux fonctions.

Cette devise m’a valu à mon tour (aucun lien avec un Louis quelconque) une prise de conscience et l’accélération du processus de maturation d’un jeune curé qui a compris avec l’âge de son serviteur, que Dieu devenait de plus en plus miséricordieux.

 

Cette touche personnelle, en lien avec la journée du 21 mai, me permet de faire la transition avec la deuxième partie de ce podcast.

Le 22 mai 1983 j’ai été ordonné prêtre à Pontoise (95), il y a juste 40 ans.

Pour préparer ce podcast, pour me préparer à vivre en action de grâce un tel anniversaire, je me suis mis à chercher dans mes souvenirs les traces les plus marquantes à l’instar de celle de Dieu miséricordieux.

 

Et l’envie m’a pris de chercher mon image imprimée et distribuée le jour de mon ordination et à l’occasion de la première messe qui a eu lieu en Pologne début juillet.

J’en ai même trouvé deux, une de mon ordination et une autre de mes 25 ans d’ordination, tous les deux trouvés dans le bréviaire, celui en papier que je n’utilise plus, depuis que je me suis mis à la lecture via une application.

Le bréviaire, comme un herbier, conserve silencieusement les images plutôt pieuses en guise de marque pages, mais aussi pour associer la prière en faveur des personnes indiquées comme auteurs et bénéficiaires des divers anniversaires. 

A cette occasion, je me suis souvenu de la sortie de la cathédrale de Pontoise pour saluer les nombreux participants à la messe d’ordination.

 

A la sortie, sur le parvis de la cathédrale, j’ai été accueilli par des cris lancés depuis la rue : kra, kra, kra, qui imitait les corbeaux, l’emblème du prêtre au service de l’ancien régime, dont les survivances nocives pour la société moderne car libérée de telle servitude n’étaient pas encore totalement éradiquées, pire, se reproduisent par on ne sait plus quelle opération du “saint esprit” !?

Si cet incident m’a marqué à vie, cela ne m’a pas empêché de vivre en toute confiance la relation avec la société civile, en restant persuadé de la portée limitée de tels cris de guerriers qui à l’instar des halloweens se font le plaisir inimitable en faisant peur. Sans plus! ?

Où est la frontière entre une célébration commémorant l’événement de façon à se nourrir d’une mémoire qui garde les traces de la vérité et l’incitation à la haine ?

Les événements de la commune de 1871 sont encore vivants des deux côtés des barricades, tout cela pour les canons Prussiens que la population de Paris ne voulait pas rendre.

Chaque année on célèbre l’anniversaire des deux côtés des barricades, invisibles, non sanglantes (comme la messe catholique qui est un sacrifice non sanglant) mais réellement dressées pour rappeler de façon sans doute asymétrique dans la visée et dans l’insistance le fossé entre les deux, qui sous forme de telles barricades, mais étant durant l’année enterrées comme si elles avaient été enfouies dans la terre, sont déterrées à l’occasion sous forme de tels fossés.

 

Sur la première image, celle de l’ordination au recto il y a une photo, rassurez-vous, pas la mienne, mais celle du pape Jean-Paul II.

 

Alors que sur la seconde celle de mon jubilé de 25 ans, figure l’image du fondateur de la congrégation religieuse missionnaire, dont je suis membre, saint Vincent Pallotti (1795-1850) qui tient dans la main une autre image, celle de la Vierge Marie avec son fils Jésus, enfant de quelques années.

 

Cela me donne l’occasion de méditer sur ce double ancrage, dans l’Église catholique que le pape représente, le fait que ce soit un Polonais signifie un renforcement du lien entre la culture commune d’un pays d’origine et l’université de la foi catholique.

 

Aucun avantage à en tirer ni à l’époque ni plus tard, plutôt une certaine gêne devant la velléité d’enfermer les deux, Karol Wojtyła et Remigiusz Kurowski dans leur polonité pour se servir d’excuse pour ne pas prendre forcément au sérieux ni du point de vue purement humain, ni chrétien tout ce que l’on exprime en pensée, en paroles, par action et par omission (confession sacramentelle porte sur tout cela).

Pas de mal en soit, enfermer l’autre dans une identité univoque, tout le monde fait cela, l’auteur de ce podcast y compris, mais deux expressions, votre pape et le pape polonais, agglomérées dans “Votre pape polonais” scelle une désunion sacrée.

Revenons à mes deux images qui reflètent mon désir de me situer comme prêtre à 25 de distance et permettent de mesurer et d’évaluer l’évolution.

Sur le verso de la première se trouvent imprimés en polonais le motto “Pourvu que Dieu me donne la parole conforme à la pensée et la pensée digne de ce que l’on m’a donné” sans citer la source, si vous la trouvez, merci à l’avance.

Puis le traditionnel Avec bénédiction à l’occasion de la première messe le prénom, suivi du nom d’appartenance à la congrégation “pallottin”, la date “Fête de la Pentecôte 1983, le lieu : Paryż (maison provinciale et mes années de formation), Pontoise (lieu d’ordination) Kwieciszewo (lieu de mon baptême).

 

Tout en bas la dédicace : aux parents, aux frères (quatre) et à tous ceux qui me sont proches, amour et reconnaissance.

 

Je ne me souvenais plus qu’un quart de siècle après, sur une autre image j’ai autant chargé le verso.

 

Magnificat Anima Mea Dominum trône en haut comme un arc en ciel sur l’horizon terrestre.

 

Suivi d’une citation “Notre lettre c’est vous, lettre écrite dans nos cœurs, lettre confiée à notre ministère” (2 Co 3,2), suivi de 25 ans d’ordination presbytérale Rémy Kurowski pallottin 1983 ; Pontoise-Paris-Osny-Eaubonne-Montmorency-Groslay 2008, suivi de “que ta volonté soit faite” (Mt 6,10).

 

La deuxième moitié est en polonais avec une autre citation “Je vous demande mes frères que vous me souteniez de vos prières auprès de Dieu” (Rm 15,30)

 

Je vous fais grâce d’autres détails, si pourtant je présente ces deux images avec déjà autant de minutie, c’est utile avant tout à moi, vous me donnez l’occasion de faire mémoire de 40 ans (25 plus 15).

Et j’entends dans mes oreilles : comment vous est venue l’idée de devenir prêtre, je dois vous décevoir, jamais !

Cela m’a été “révélé” d’une manière bien étrange comme une évidence contre laquelle je me suis bagarré durant des années pour finalement abdiquer devant l’évidence de ma conscience.

D’une évidence à l’autre, long est parfois le chemin, vérifier les évidences des autres est tout aussi nécessaire que nos propres évidences.

Dans toutes les commémorations, nous célébrons les évidences de la bonne conduite intérieure et extérieure.

Tout en sachant que l’on y parvient au travers de tâtonnements, remises en cause et en avant toujours.

Merci pour vos prières et pensées bienveillantes. Le cœur humain y est, et le cœur de la foi aussi.

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PS : Si vous êtes à Paris ou en région parisienne au mois de juin, le père Rémy vous invite aux rencontres qu’il organise à Paris le 26 juin à 19h – 23/25 rue Surcouf VIIème – et à Montmorency (95) le vendredi 30 juin à 19h00 dans la salle Daval ( à côté de la collégiale).