De la lettre de saint Paul, à travers la méditation d’un bibliste, jusqu’à la réflexion communautaire, c’est ainsi que je pense pouvoir décrire le mieux la trajectoire du développement pour ce podcast qui se déroulera en trois temps : la lecture biblique, le commentaire et mon développement. Évidemment chacun pourra prendre la partie qui l’intéresse, s’arrêter à la première étape ou à la seconde sans continuer… Toute démarche est cohérente à l’intérieur de chacune des trois parties, dans ce que l’on entreprend, ce qui ne serait pas pris en compte pourra être complété par la réflexion personnelle spontanée dans le silence de son cœur, dans les cadres de sa vie (de foi). 

A chacune de ces trois étapes, on espère trouver quelques traces de l’Esprit Saint, de ce divin qui parle à notre cœur, comme il a parlé à saint Paul, à Krakus (exégète) sans doute aussi et à votre serviteur peut-être également, je l’espère, au moins un tout petit peu. La prétention chrétienne ainsi exprimée ne dédouane pas la responsabilité de vérifier la valeur et le statut de cette inspiration (assimilable à toute inspiration artistique !) et comment cela conduit à améliorer la vie de ceux qui en sont bénéficiaires.

Et aucun de ces trois auteurs (Paul, Krakus et RK) n’aura le privilège d’être exclusivement totalement sous l’emprise de l’inspirateur divin. C’est évident pour les deux derniers, Paul a aussi laissé des traces de la pensée de son époque (sur les femmes notamment !), sans que ces traces soient vraiment purifiées au feu du souffle de l’Esprit, comme on le souhaite aujourd’hui pour cela et pour tant d’autres choses, mais c’est une autre question.

Krakus est un pseudonyme d’un bibliste polonais qui sur son site publie en anglais des méditations bibliques en commentant la ou les lectures du jour. Il est bien plus performant que je n’ai pu être en publiant les miennes uniquement durant la période de covid (Méditations quotidiennes de cette période sont en cours de préparation pour une publication, page pub ainsi faite !). Pourtant l’objectif est le même. 

Pour ma part, c’était pour soutenir ceux qui avaient besoin de nourriture dans la période de pandémie où accès à la vie communautaire habituellement organisée autour de la table eucharistique était rendu quasiment impossible. Proposant une sorte de nourriture “prémâchée” que sont les méditations par le truchement des connexions virtuelles, mais pas moins réelles, il s’agissait aussi de maintenir le lien ecclésial entre les membres de la communauté bien séparés les uns des autres. L’adjectif prémâché induit une image peu convenable surtout au temps d’épidémie. Pour Krakus, il s’agit d’accompagner ceux qui veulent se nourrir de la Bible dans l’ordinaire de leur vie en se laissant guider par et dans les réflexions étayées scientifiquement au sens d’exégèse biblique qui obéit aux règles strictes de vérification des remarques et des conclusions affirmées.  

Dans ce podcast, je propose donc après la lecture du passage biblique, de regarder de près la proposition de l’exégète et comment cela peut éventuellement nous nourrir.

Assez d’introduction. 

Lecture de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens, chapitre 3, versets 1 à 9 (lecture du jour, 4 septembre 2024)CHAPITRE 3 | 

01 Frères, quand je me suis adressé à vous, je n’ai pas pu vous parler comme à des spirituels, mais comme à des êtres seulement charnels, comme à des petits enfants dans le Christ.

02 C’est du lait que je vous ai donné, et non de la nourriture solide ; vous n’auriez pas pu en manger, et encore maintenant vous ne le pouvez pas,

03 car vous êtes encore des êtres charnels. Puisqu’il y a entre vous des jalousies et des rivalités, n’êtes-vous pas toujours des êtres charnels, et n’avez-vous pas une conduite tout humaine ?

04 Quand l’un de vous dit : « Moi, j’appartiens à Paul », et un autre : « Moi, j’appartiens à Apollos », n’est-ce pas une façon d’agir tout humaine ?

05 Mais qui donc est Apollos ? qui est Paul ? Des serviteurs par qui vous êtes devenus croyants, et qui ont agi selon les dons du Seigneur à chacun d’eux.

06 Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance.

07 Donc celui qui plante n’est pas important, ni celui qui arrose ; seul importe celui qui donne la croissance : Dieu.

08 Celui qui plante et celui qui arrose ne font qu’un, mais chacun recevra son propre salaire suivant la peine qu’il se sera donnée.

09 Nous sommes des collaborateurs de Dieu, et vous êtes un champ que Dieu cultive, une maison que Dieu construit.

Commentaire de Krakus 

Imaginez deux enfants jouant paisiblement avec leurs jouets jusqu’à ce qu’un nouveau jouet leur soit présenté. Tous deux le veulent, mais un seul peut l’avoir. La querelle éclate, le plus fort l’obtient et le plus petit crie bruyamment, exprimant sa colère et son sentiment d’avoir été lésé. Nous comprenons ce comportement ; après tout, ce sont des nourrissons, immatures. Mais que se passerait-il si, au lieu de deux enfants, nous avions deux nations qui se battaient pour des ressources matérielles, de gros profits et une plus grande influence mondiale ? Appelons nous cela aussi un comportement immature ?

Paul compare les croyants de Corinthe à des nourrissons, les appelant « des hommes charnels ». Leur communauté était en proie à la division, à une immoralité inouïe, comme parmi les païens, et à une compétition pour le statut le plus important au sein de la communauté basée sur les dons charismatiques. La communauté nouvellement établie à Corinthe avait un long chemin à parcourir pour atteindre la maturité en Christ, et Paul en était conscient. « Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, parce que vous ne pouviez pas le prendre » (1 Corinthiens 3:2).

Ces dernières années, les théologiens ont souligné la distinction entre le kérygme, le message essentiel de l’Évangile, et la catéchèse, l’enseignement complet de notre foi. En utilisant la métaphore de Paul sur le « lait » et la « nourriture solide », nous pourrions comparer le kérygme au lait et la catéchèse à la nourriture solide. L’épître aux Hébreux nous donne un aperçu de ce qui était probablement considéré comme du « lait » à donner à ceux qui découvraient la foi : « les éléments de la doctrine du Christ », « la repentance des œuvres mortes et la foi en Dieu, l’enseignement sur les ablutions, l’imposition des mains, la résurrection des morts et le jugement éternel » (Hébreux 6, 1-2). Quelques siècles plus tard, le kérygme a été résumé dans le Credo, qui est devenu le fondement de ceux qui se préparaient au baptême.

Le Credo n’est cependant qu’un des quatre piliers de notre Catéchisme. Les trois autres sont les sacrements de la foi, la vie de la foi et de la prière dans la vie de la foi (cf. CEC, 13-17). Je pourrais soutenir que les Corinthiens, comme beaucoup de chrétiens contemporains, n’avaient aucun problème avec le Credo, mais qu’ils avaient un problème avec la vie de foi. Leurs divisions constantes, leurs disputes, leurs exemples de vie immorale, leur mauvaise opinion de Paul et leur mépris de la célébration appropriée de l’Eucharistie parlent d’eux-mêmes. Cette attitude « charnelle » et « immature » a continué même après le martyre de Paul. Nous avons une lettre du quatrième pape, saint Clément, écrite à l’Église de Corinthe pour évoquer un autre exemple de division au sein de cette communauté.

Paul termine avec une autre métaphore en comparant l’Église au champ de Dieu et à l’édifice de Dieu. Le travail d’un agriculteur vise à produire des fruits, et le travail d’un constructeur consiste à construire l’édifice selon les plans de l’architecte. L’objectif de Paul était d’amener les chrétiens de Corinthe à la maturité en Christ. Il savait qu’ils devaient devenir, comme lui, semblables au Christ. Mais il savait aussi que cela prendrait du temps. Et c’est la leçon que nous pouvons tirer de la lecture d’aujourd’hui. Nous devons tous mûrir dans notre foi ; nous devons tous passer du stade de nourrisson à celui de chrétien mature. Lao Tseu a dit : « Un voyage de mille kilomètres commence par un seul pas. » Pensez à une mesure pratique que vous pouvez prendre vers la maturité spirituelle cette semaine. Cela pourrait être de consacrer plus de temps à la prière, de participer à une étude biblique ou de servir dans un nouveau ministère. Que le Seigneur nous bénisse, nous guide et nous soutienne dans ce voyage. Amen.

 

Ma réflexion. 

Corinthe c’est Corinthe et Hong Kong c’est Hong Kong. Je ne suis pas Paul et Paul n’est pas Christ. Et pourtant, comme le constate Krakus, entre il y a deux mille ans et maintenant la donne n’a pas vraiment changée. Comme dans toutes les sociétés, à toutes les époques on retrouve la même nature humaine qui “se bat comme un beau diable” pour échapper à l’amélioration de l’existence humaine, telle que présumée dans la Bible. Et pourtant elle y aspire, surtout dans des moments de prise de consciences lorsque l’on fait le bilan entre ce que l’on a et ce que l’on peut être. La course effrénée à la réussite et le prix à payer que cela occasionne sont des vecteurs principaux des activités humaines, à moins que cela ne soit un combat pour survivre, déjà physiquement, ce qui, on en conviendra, n’est pas pareil.

 

De quoi est faite la communauté chrétienne en général ?

A quoi peut-on la comparer ?

Un ensemble de personnes visible dans leur rassemblement, dispersé pour la plupart du temps, chacun venant avec toute son humanité où il y a de tout, ceci et son contraire, excellent, bon, moins bon, plutôt pas bon, jusqu’à franchement mauvais, cela vaut bien entendu pour tout le monde, y compris pour ceux qui guident et gouvernent. Les appellations contrôlées de ce qui est bon pour la société se défendent plutôt bien, les lois positives en statuent à souhait. Celles de l’éthos chrétien ont du mal à percer, le combat que chaque chrétien mène pour les défendre n’est jamais garanti ni à ses yeux, ni aux yeux de Dieu (?). Et aux yeux du monde être sa risée n’est jamais loin.

 

C’est pourtant d’une telle pâte qu’est faite une communauté.

C’est à de tels membres qu’est confiée la mission : à qui anime les chants, à qui un groupe d’enfants de caté, ou jeunes en aumônerie, à qui compter les sous, ou encore accompagner les futurs mariés etc. 

 

Il y en a qui plantent des graines, d’autres arrosent, mais Dieu assure la croissance. Toute la générosité pour passer du temps, dépenser des énergies, mettre des charismes et compétences personnels au profit d’accompagnement des autres, jusqu’au soutien matériel, tout cela force respect et admiration. Présentant une communauté idéale, Paul la caractérise aussi par l’esprit d’unité qui, contrairement à ce que beaucoup pensent, n’est pas uniformité. 

 

Mais cette unité, la communauté la tient du Christ.

Affirmer une chose pareille c’est de faire un acte de foi un peu à l’aveuglette, parce que cela laisse supposer que les autres sont à ce niveau de considération de la foi. Alors que soi-même, on sait que l’on n’y est pas vraiment. C’est malgré toute la bonne volonté affichée et même désirée pour y être. Et les autres pensent à leur sujet sans doute pareil. 

 

Ce n’est pas seulement la foi qui est requise dans l’acte de l’unité, mais aussi et peut être avant tout la charité qui veut que l’on traite les autres comme si c’était Dieu à notre place, à leur place. Mais là encore ne sachant, parfois ne voulant pas savoir, comment cela peut être réalisable, on préfère rester au niveau des relations purement humaines, qui à défaut d’être idéales, sont tout au moins réalisables. Car nous maîtrisons non sans mal les relations humaines à partir de nos expériences sociétales. Certainement mieux par rapport à ce que nous pouvons attendre de nous à réaliser avant tout à partir des données de la foi intégrées et exprimées, dont les objectifs nous semblent si souvent inatteignables. Soyez saints comme je suis saint, une injonction divine qui parcourt la Bible et qui est placée sur les rayons des objets de la religion jugées hors d’âge.   

 

Or, au risque de me répéter, les solutions que nous trouvons à la portée de la main sont toutes trouvées dans les réservoirs dont dispose la nature humaine. Ce qui est déjà bien, mais du point de vue de la foi peut mieux faire.

 

Un long chemin pour atteindre la maturité du Christ et en Christ.

Laisser aux professionnels de la chose chercher à atteindre leur maturité de croyant en Christ semble une solution viable pour tout le monde. S’accommoder ainsi de la situation, la nôtre, celle des membres de la communauté semble une sortie honorable, tout en veillant à ce que les professionnels soient surtout à la hauteur. Ils le sont rarement pour ne pas dire jamais. Ils sont faits de la même pâte que tout le monde. Le chemin de leur vie de foi est tout aussi sinueux que celui de n’importe quel autre baptisé. Avec en prime des difficultés supplémentaires, dans la mesure ou la perfection divine à laquelle ils se sentent appelés, souvent fait d’eux de pauvres bougres qui se liquéfient dans leur générosité spirituellement diluée, ou au contraire se cabrent dans leur fermeté avec laquelle ils résistent contre les difficultés et se fossilisent dans les acquis gardés avec jalousie et opiniâtreté. 

 

Alors du lait ou de la nourriture solide ?

Les quatre plats d’un repas adulte ne comprennent que la nourriture solide, donc certainement plus difficilement assimilable. Ce sont le Credo, les sacrements de la foi, la vie de la foi et la prière dans la vie de la foi. Tous les quatre sont fondés sur la rencontre de Jésus mort et ressuscité (kérygme) C’est ainsi que les théologiens distinguent entre le biberon et les steaks frites assaisonnés des spicy sauces et tout terminé par un bien bourratif crumble au chocolat. Pour la boisson, le vin nouveau fera l’affaire.

 

Or ce qui se pratique de plus en plus fréquemment c’est que dans le biberon on met des morceaux de carotte, de poulet et des ingrédients au bon goût pour que le nourrisson assimile cela avec facilité qui lui est propre, que l’on identifie dans la jouissance du palais. Il faut que la nourriture soit facilement assimilable. Nos estomacs sont devenus plus délicats. Pour la nourriture spirituelle c’est pareil. Il nous faut de petites doses homéopathiques pour ne pas courir le risque de constipation à la suite d’un étouffe chrétien ingurgité par obéissance.

 

Ces quatre plats sont identifiés dans la catéchèse, ils font partie de son menu. La catéchèse se charge de l’annonce du kérygme, Jésus, messie crucifié pour nous. Cependant elle est souvent jugée bien light en comparaison avec la nourriture solide dont rêve saint Paul, lorsqu’il annonce le Christ mort et ressuscité. Le kérygme est la première annonce non pas d’un fait mais d’une personne et d’un événement. Ce qui compte c’est la rencontre. Aux enfants une annonce sous forme de nourriture bien allégée, aux adultes finalement aussi, et à tous, la nourriture bien consistante lors de grandes manœuvres de la vie au cours desquelles on passe d’une foi extérieure à la foi bien intériorisée, chevillée au corps par amour et éprouvée dans la vie. Au contact avec l’Évangile, le chrétien a tout ce qu’il faut pour nourrir depuis son baptême la foi en germes, puis en croissance et s’y référer une fois le régime alimentaire changé. 

 

C’est une initiation progressive qui est ainsi envisagée, en fonction de la capacité d’absorption et surtout d’assimilation. Afin que la nourriture soit digeste, peu importe la consistance administrée, l’estomac doit, par anticipation, sécréter les sucs de la digestion et surtout de l’assimilation des protéines de la vie éternelle. C’est par une telle absorption que le chrétien se distingue des autres mortels. Et il le fait en fréquentant de telles restaurants, le désir de croire en l’immortalité démarre au baptême. Au départ, le nourrisson a besoin de nourriture liquide. Or, pour l’immense majorité de chrétiens, la nourriture administrée au biberon de quelques sacrements au départ suffira pour toute la vie. D’où le défi suivant : pour nourrir les futurs adultes dans la foi, mettre tout ce qu’il faut des quatre plats solides, mais servir mixés. La faute au progrès technique qui facilite la vie et qui rend paresseuse la digestion ? Peut-être un peu. Être spirituel en devenir est conditionné par l’être charnel qui revendique ses droits.

 

Nous avons, non seulement perdu les dents pour bien y mordre, mais aussi et surtout la capacité à digérer et à assimiler. Le suc digestif est produit dans les moindre proportions (à qui la faute ?) et le foie n’est plus aussi performant qu’autrefois pour transformer les aliments reçus en molécules qui nourrissent le terreau de la foi, lui permettant ainsi de se développer, non sans difficulté, ce dont il faut tenir compte, car les différentes bactéries et microbes, sans parler de différentes sortes de vers solitaires ou d’autres parasites font partie de la basse-cour de l’enclos de l’écosystème digestif. Mais tout ceci est sous notre responsabilité douce et agréable à entendre et à assumer. Alors que s’il l’on ne fait pas attention, le suc digestif destiné à collaborer avec les bactéries en faveur de la vie du corps se fera complice malgré lui de l’œuvre funeste agissant et perturbant l’ensemble du corps. La mal digestion affaiblit le corps et éloigne la volonté de l’objectif initial qui est remplacé par la lutte contre les intrus, par définition indésirable et ô combien nocif.

 

Et pourtant, il m’apparaît comme évidence le fait que la nourriture solide sera prise au moment où nous serons prêts, prêts pour le grand voyage. Lors de l’extrême onction, ou alors lors de toutes les onctions qui font du bien au corps et à l’âme. Surtout pour soulager leurs maux. À la fois ou séparément?

 

Nous sommes “un champ que Dieu cultive, une maison que Dieu construit”.

L’affection et la sécurité sont alors assurées.