Il était aux funérailles du pape Benoît, ce n’est pourtant pas du cardinal Zen que je veux m’entretenir avec vous aujourd’hui, dont le voyage épique dans des circonstances bien particulières a fait le tour du monde médiatique, mais d’un autre cardinal, celui d’Australie, George Pell. 

L’ancien préfet pour les affaires économiques au Vatican, et avant archevêque de Melbourne puis de Sydney, le cardinal Pell est décédé à la suite de complications post opératoires à Rome le 10 janvier dernier, où il résidait depuis son acquittement en 2020, il avait 81 ans. 

Son nom est mondialement connu à cause de l’histoire de mœurs, une histoire qui heureusement se termine bien, non pas parce qu’il serait sorti indemne à la suite de je ne sais quel subterfuge dont on aurait pu soupçonner les milieux ecclésiastiques de Vatican. 

Après avoir été condamné à six ans de prison dans un quartier spécial, donc soumis au régime spécial, mais pas dans le sens de plus confortable, bien au contraire, sans pour autant imaginer une maltraitance particulière, il a été libéré après 13 mois de détention effective.  

Le chef d’accusation : des attouchements sur deux garçons dans la sacristie de Melbourne juste avant une messe. J’y étais, il y a 4 ans à l’occasion de la messe d’adieux de son successeur, impossible de se cacher dans cette pièce juste avant la célébration, tant de personnes y passent. 

L’affaire m’a toujours paru suspecte, quelques témoignages recueillis à cette occasion sur place me réconfortèrent dans mes intuitions. 

J’offre mes souffrances pour l’Église“, disait-il à ses proches, ces quelques personnes de confiance ; les offrir pour l’Église certes ! et il y a de quoi, tant de lourdeurs pèsent sur elle à cause de ses membres. 

En effet l’opinion générale pas seulement dans la société civile, mais également dans les milieux catholiques, y compris dans la hiérarchie, lui était défavorable.

Elle fût portée par la vague d’une suspicion générale, et si ce n’est pas vrai, pas très grave, il y en a toujours des cas vrais que l’on pourrait saisir, comme des gros cailloux dans du sable fin passé au tamis.

Mais la conviction générale était du côté de l’accusation : pourquoi s’obstine-t-il dans le refus de la vérité, si la justice le poursuit c’est surement pour des faits avérés, un de plus ou un de moins, quelle importance, c’est le temps de la purge de l’Église et tous les moyens sont bons pour y parvenir une fois pour toutes. 

Le temps était à la chasse aux sorcières, sauf que désormais le malin a vraiment choisi son camp, pour n’être que du côté des institutions ecclésiales, à charge bien entendu, un véritable advocatus diabolis en personne.

Le problème c’est que justement le diable se cache dans les détails, tous les détectives professionnels ou amateurs le savent, et c’est à charge du diable lui-même. 

D’accusateur le diable se trouve en position d’accusé, évidemment pas lui directement, ce serait lui faire trop d’honneur que de l’investir d’une telle mission universelle. 

Il n’a pas besoin d’intervenir directement, il se sert des humains et de leur propension à voir le mal là où il n’y en a pas, et surtout ne pas voir le mal là où il est bel et bien présent.  

Et ça marche à l’aide de toutes les illusions optiques d’un regard biaisé ou franchement louche. 

Que l’on soit tous à des degrés différents atteints d’un tel strabisme, rien d’étonnant, la nature humaine est défaillante et en état de corruptibilité latente en permanence. 

Si on peut corriger les défauts de la vision physique par des procédés techniques que tout oculiste et opticien connaissent, par analogie, c’est possible de le faire sur le terrain relationnel qui implique des lois comportementales.  

La justice est pour cela, et il lui arrive de faire un bon, voire très bon travail. Le procès du Cardinal Pell dans sa dernière sentence en est une illustration exemplaire. 

Mais par quel chemin il lui a fallu de passer, le fait qu’il soit mort à la suite des complications post opératoires ne dit pas forcément le lien avec ses épreuves, mais sans doute elles ne lui ont pas été non plus totalement étrangères. 

Mort subitement, comme naguère le pape Benoît qui était acclamé à titre posthume subito sancto, le cardinal Pell a subi tant et avec courage.

Avait-il été préparé pour une expérience pareille ? Qui peut le savoir, on se révèle comme tel, des exemples ne manquent pas. 

Il a sans doute accusé le coup ; la parole d’un témoin – l’autre était déjà décédé au moment du procès – encouragée par le tribunal pèse lourd dans les oreilles d’un accusé à la manière de Job. Et les médias ont fait des gorges chaudes avec un scoop pareil.

Un procès bâclé dont le cours était porté par les sentiments en furie qui emportaient tout sur leur passage, une inondation que rien ne pût arrêter. 

L’accusé nie tout, tout le temps, alors à qui profite le crime, sans doute il y en a qui en ont fait non seulement le chou gras médiatique, mais se sont instaurés en judiciaires vox populi, vox dei, sauf que Dieu n’avait rien à y faire, pire il était au banc des accusés.

Difficile de se dépêtrer d’un tel magma gluant, un géant attrape-mouche aux odeurs alléchantes et à la viscosité douteuse. Et après tout ; même si l’argent n’a pas d’odeur, ceux qui le font circuler, sans doute en ont. 

Le temps en prison, le cardinal incarcéré, le met à profit pour rédiger ses mémoires, un temps de mise en retraite est toujours favorable à l’introspection et le lien entre elle et les faits divers dont l’on était acteur ou témoin, est surtout engagé. 

Un ouvrage à lire, pas seulement pour comprendre comment il décrit l’expérience de purger une peine, mais contient également des informations sur l’exercice de sa fonction comme responsable des finances au Vatican.  

Dans le fait de passer plus d’un an au régime spécial, je ne connais pas d’autres privations que le cardinal avait à subir (sans doute il y en avait) un seul que je connaisse, très particulier retint mon attention. Il est très particulier par sa valeur symbolique. 

Le cardinal Pell durant 13 mois était interdit de messe, même les communistes en Pologne n’ont pas osé cela lors de l’emprisonnement du Cardinal Wyszynski, primat et à ce titre chef de l’Église dans le pays. 

C’est subtil comme punition, c’est comme retirer chaque jour un peu d’oxygène pour voir comment le corps réagit et à quel moment la situation devient critique pour tirer des conclusions concernant la poursuite. 

Une belle torture indolore et qui ne laisse aucune trace d’un corpus delicti éventuel. La raison avancée par l’autorité pénitentielle était l’interdiction de lui fournir du vin, indirectement cela l’empêchait de célébrer la passion du Christ. 

C’est donc en quelque sorte à sec qu’il était obligé de célébrer le mémorial de la passion de son Maître, en y joignant la sienne. 

Comme tout martyr, mais comme beaucoup d’autres, de son vivant, il a dû communier de la sorte. 

La condamnation et l’emprisonnement prenaient alors forme d’une vengeance en douce de la part de ceux qui lui en ont voulu pour ces positions très fermes concernant la morale justement ! 

Même si je l’ai entendu là-bas, rien n’est moins certain, c’était tout simplement une belle occasion de tacler l’Église en la personne d’un de ses représentants les plus hauts placés. 

Cette fois-ci cela n’a pas marché, et c’est sans doute ce qui arrivera encore dans l’avenir, comme son inverse, la machine judiciaire n’est pas infaillible, les motifs à la pousser sur des fausses pistes ne sont pas toujours démasqués immédiatement.

Mais dans d’autres cas, hélas c’est vrai ! Le travail que l’Église en France fait actuellement, bien qu’encore faible dans son efficacité, est un exemple encourageant. 

A un moment, on ne pourra plus se cacher derrière des idées complotistes ou autres, tel un bouclier pour se protéger des assauts. Même le diable, bien qu’à rebours ne sera d’aucun secours. 

Les fausses accusations partant du principe de la présomption de culpabilité peuvent peser aussi lourd sur les innocents qu’elles pèsent sur les victimes ; les dégâts collatéraux sont souvent ravageurs pour tout l’entourage, les victimes des abus et leurs proches en savent le prix.

La décision de la Cour Suprême saisie en appel, a purement et simplement levé toutes les charges qui pesaient sur le cardinal Pell. Et comme d’habitude, une petite note dans les journaux en fera mention.

Noir un jour, blanc un autre, comme la vie peut être étrange ! Qu’il repose en paix !

————————–

Photo ©9NEWS