La résidence d’attache est une idée qui fait du chemin depuis de nombreuses années, en effet celle-ci est évoquée depuis la présidence de Nicolas Sarkozy. Reprise et développée par le sénateur Les Républicains Ronan Le Gleut, elle fut aussi proposée par Frédéric Petit (député Modem des Français d’Europe centrale) et fut, donc, incluse au programme d’Emmanuel Macron lors de la présidentielle.

Ce mardi 4 avril 2023, le Sénat a adopté la proposition de loi, portée par M. Ronan Le Gleut, créant une résidence d’attache pour les Français établis hors de France. Pourtant le gouvernement par la voix de Gabriel Attal s’y opposait, tout en précisant « accueillir favorablement la proposition« . Ce dernier désire mettre en place un groupe de travail afin de déminer les écueils juridiques possibles, redéfinissant au passage le périmètre d’application du projet de loi.

Ce mercredi 12 avril, nous recevons le sénateur Ronan Le Gleut pour faire le point sur cette disposition, particulièrement attendue par nos compatriotes et ce où qu’ils soient, comme nous le révèle la consultation menée du vendredi 07 avril au mardi 11 avril. Vous avez été 1187 à vous prononcer.

Quels objectifs pour ce projet ?

Depuis la suppression de la taxe d’habitation, la résidence conservée ou acquise ou reçue en héritage par un(e) Français(e) subit, selon le sénateur Ronan Le Gleut, « un matraquage fiscal ». En effet, pour les autorités fiscales, ce domicile maintenu en France, est considéré comme une résidence secondaire et est donc soumis aux taxes complémentaires liées à ce statut. L’idée du texte étant de rétablir une égalité de traitement fiscal, tant pour les taxes mais aussi pour accéder aux aides à la rénovation, à la transition énergétique et autres.

Et pourtant, comme le rappelle le sénateur Ronan Le Gleut dans l’interview, ce bien immobilier représente plus qu’un simple lieu de villégiature, il est aussi un refuge et une opportunité pour maintenir le lien entre le citoyen expatrié et son, notre, pays, la France.

Et les cas sont plus nombreux que les autorités ne l’imaginent, en dehors de conflits ou de catastrophes, des événements considérés comme banals peuvent conduire à un retour précipité en France. Ronan Le Gleut nous donne l’exemple des Français salariés dans des pays du Golfe, en effet, quand on est licencié, on perd de fait le visa pour rester sur le territoire, et les citoyens concernés doivent rentrer en France en quelques semaines, souvent en moins d’un mois. Comment faire si on a dû se séparer de son domicile en France ?

C’est donc face à ces situations qu’est née l’idée de créer un statut entre la résidence principale et la résidence secondaire, qui serait donc la fameuse résidence d’attache (ou de repli pour le parti présidentiel).

Les Français de l’étranger et l’immobilier en France

Car comme nous le révèle la consultation menée par Lesfrancais.press, les expatriés ont conservé dans 30% des cas leur logement sans le mettre en location (ils sont 9,65% à l’avoir conservé en le mettant en location). Près de la moitié des Français de l’étranger ont, donc, toujours un ancrage en France. Et ils seraient plus nombreux si une telle disposition était mise en place, ainsi 14% des personnes ayant répondu indiquent qu’ils achèteraient un bien en France sous ce régime de la résidence d’attache. Une bonne nouvelle, alors que l’immobilier patine au pays depuis l’augmentation des taux de crédit.

Une réforme soutenue

Malgré le fait qu’un 1/4 des répondants ne connaissaient pas le projet, le soutien des expatriés à la proposition de M. Le Gleut est massif. Ainsi, 56% soutiennent sans réserve le texte et ils seraient près de 70% si la proposition de loi s’appliquait sans distinction entre les Français de l’étranger.

Un texte attaqué de toutes parts ?

Malgré l’intérêt évident que peut avoir une telle loi, l’accueil fut mitigé lors des premiers travaux parlementaires. La gauche, par la voix de la sénatrice des Français de l’étranger, Mélanie Vogel, assimile une telle disposition à un cadeau fiscal, tandis que le gouvernement s’inquiète du coût d’une telle disposition qui concernerait 300 000 résidences selon Gabriel Attal, qui alerte sur une contrainte juridique qui obligerait le gouvernement à étendre une telle mesure a minima à tous les Européens ayant un bien en France. C’est la fameuse égalité de traitement entre Européens qui l’imposerait.

Pour autant, le gouvernement a mis en place un groupe de travail avec les parlementaires. La première réunion était prévue le 11 avril puis finalement décalée à la semaine prochaine, signe de l’embarras des élus et de l’exécutif ?

En tout cas, Ronan Le Gleut a décidé d’y participer, avec une idée précise. Pour lui, comme il l’avait fait avec le fonds d’urgence, il compte à travers ces ateliers de travail avec le groupe mis en place, convaincre de la pertinence du texte alors que le gouvernement veut réduire son champ d’application.

Réserver les dispositions fiscales à certains expatriés ?

Car si le projet de loi a été adopté au Sénat, c’est au prix de l’exclusion d’une partie des Français de l’étranger. En effet, Gabriel Attal, le ministre du Budget, voudrait limiter l’application d’une telle disposition aux seuls Français résidant dans des pays classés rouge ou orange par le ministère des Affaires étrangères et européennes.

Pourtant, Ronan Le Gleut déclare qu’il ira au bout, et en exerçant une pression continue sur le gouvernement, il espère pouvoir amender le projet de loi de finance 2024 pour inscrire sa proposition dans la loi et en la gardant ouverte à tous nos compatriotes résidant hors de France. Il pourra compter sur le soutien des Français de l’étranger qui souhaitent à 69%, selon notre consultation, se voir considérés comme des Français à part entière, en étant libérés du « matraquage fiscal » que dénonce le sénateur Les Républicains.

Désormais le destin de cette proposition est dans les mains du groupe du travail, avant d’être présentée à l’Assemblée nationale. Afin de compléter l’analyse des conséquences d’une telle loi, Ronan Le Gleut désire voir se créer une commission temporaire qui présenterait ses conclusions lors de l’examen du budget 2024 à l’automne aux deux assemblées constituant notre parlement.