Intro.

C’est depuis bien longtemps que ce thème émerge doucement mais sûrement à la surface de ma conscience. Des parties éparses, parfois en contradiction se manifestent pouvant servir de matériaux de base pour ce podcast. Quelle différence entre savoir et connaître appliquée à notre vie, entre les humains.

 

La première et fondamentale semble être celle qui permet de définir les grands ensembles et les plus petits détails. C’est alors que les connaissances vont emporter sur les savoirs. Savez-vous à quelle heure ferme le magasin le samedi. Mais on connaît la réponse car on la sait. N’est-ce pas déjà un peu confusément qu’on a l’impression de naviguer entre les deux verbes. 

 

C’est moi qui connais la réponse, je suis plus grand et donc plus important que le fait de savoir à quelle heure le magasin ferme le samedi. Je suis un réceptacle pour les informations que j’ai recueillies et qui vont me guider dans mes décisions. 

 

De même, si l’autre sait la réponse, c’est parce qu’il m’intéresse uniquement du point de vue des informations qu’il détient pour qu’il me les communique. S’il connaît la réponse, c’est qu’il est pris en considération en tant qu’un individu, mieux une personne.  

 

Vérifiez comment les enseignants s’adressent aux élèves. Qui sait, lève la main! Est visée l’information. Qui connait la réponse, lève la main aussi, mais cette fois-ci pour communiquer sa réponse comme une partie de lui-même. Le savoir le fait connaître. Pas uniquement en tant que celui qui sait, mais en tant que celui qui en fait un usage qui l’engage en tant que personne. S’il ramasse des bonnes notes, il va se faire connaître comme un bon élève.

 

C’est sur cette ligne de distinction entre les deux verbes que je voudrai développer ce podcast. C’est purement intuitif et si des linguistes et grammairiens de la langue française pouvaient se prononcer, je leur en saurai gré. (Pour ne pas vous introduire dans une erreur qui pourrait s’avérer fatale en discréditant tout le raisonnement, je vérifierai moi-même et vous le ferez savoir pour que vous puissiez connaître la vérité de ma démarche).

 

Droit de savoir.

Le progrès social est marqué par l’accès aux savoirs de la population le plus largement possible. Les écoles gratuites sont encore les vestiges d’un tel noble idéal qui actuellement semble battu en brèche. 

 

Est-ce vraiment raisonnable de donner accès au plus grand nombre. Cela va créer des troubles sociaux. Sans doute. Avec l’illusion de jouir de tout, mais réellement transformée en droit de savoir, l’accès à tout dans le monde hyper connecté, n’est qu’une question de moyen et du temps pour y parvenir.

 

Pour savoir où placer la progéniture afin qu’elle soit la plus compétitive sur le marché du travail, ne faut-il pas passer par une porte étroite des savoirs réservés aux initiés. N’est-ce pas une sorte de délit d’initiés, que l’on appellera les pistons bien aiguillés, dont bénéficie la progéniture sans s’en rendre compte et les adultes trouvent cela normal. 

 

Le droit de savoir est le titre d’une émission de télé pour percer les mystères de bien d’enquêtes judiciaires à résonance moins sensationnelle mais utilitaire que celles qui, il n’y a pas si longtemps, occupaient les journaux télévisés, désormais détrônées par les réseaux sociaux et leur contagion virale. Un tel a disparu, comment s’est passée l’enquête, quelles en sont les zones d’ombre. Compléments d’enquête (un autre titre d’un programme) s’en suivent.

 

Un droit de savoir pour connaître la vérité.

 

Savoir et connaître

 

Connaître et savoir ne sont pas interchangeables, même si souvent sont si proches dans le sens qu’on leur accorde, que l’on est parfois hésitant. La somme de savoirs ne fait pas que les informations détenues se transforment en connaissances. Si tel est le cas, cela suppose que celui qui a acquis de tels savoirs les a assimilés de façon intelligente, c’est-à-dire avec profit pour sa personne.  

 

En d’autres termes, grâce à ces informations qui deviennent des connaissances, il va se connaître mieux lui-même et les autres. Une relation respectueuse déjà en cours de formation va se renforcer cherchant à acquérir une maturité suffisante pour pouvoir gagner en liberté. 

 

Même si la seule somme plus importante d’information peut aider à mieux connaître nos objets étudiés et observer leur évolution. Les big datas sont fondés sur ce principe. Tout comme celui de la police judiciaire pour découvrir un malfrat, pire meurtrier. 

 

Dans ces deux cas, il s’agit d’obtenir le maximum d’informations. Dans les big datas la collecte d’informations vise l’individu dans son ensemble. Ceci se fait de façon indirecte, parfois auxiliaire, secondaire, mais ils sont soupçonnés d’en faire le motif premier ou alors un motif ultime. Or, c’est dès le départ que, dans les cas de la police criminelle est visée la personne elle-même dans toute sa complexité au point de poser le problème à la justice. Qui doit délivrer un verdict.

 

Les big datas visent d’ordinaire le consommateur qui est capable de dépenser de l’argent. Même s’il ne l’a pas, car on va lui prêter main forte sous forme d’un prêt à intérêt qui “intéresse” le prêteur, celui qui détient l’argent. Les bilans de santé croisés peuvent servir à la personne soignée. Mais peuvent lui nuire dès l’instant que l’on la considère comme une potentielle vache à lait, ainsi prise dans le jeu mercantile. La possibilité de prodiguer des soins est conditionnée par la capacité à payer pour les services ainsi rendus.

 

Les savoirs peuvent être mal exploités, alors que les connaissances peuvent être instrumentalisées. Dans ce sens on peut se servir des savoirs, mais on ne peut pas se servir des connaissances de façon innocente, cela suppose l’extorsion et violation de l’intimité. Les connaissances font partie de la part intime de l’être humain. Elles y sont déposées, fécondées et protégées, à l’image du droit à la protection des droits d’auteur.

 

Dans le cas de la police criminelle, est visé le criminel à connaître pour l’attraper, le comprendre et juger. Toute information peut s’avérer utile pour saisir son portrait-robot qui mettrait sur sa piste. Le cas du tueur en série des jeunes femmes dans les années 1990 à Paris est un malheureux exemple de travail acharné contre le monstre pour prévenir d’autres crimes. Ils auraient pu éviter au moins deux, mais la lourdeur administrative et réglementation en cours ont empêché la circulation des bonnes informations au sujet du suspect.

 

Les juges d’instruction avec l’équipe de spécialistes avaient peu d’informations, ils n’étaient pas en mesure de faire une comparaison de l’ADN; à l’époque la question de la liberté individuelle primait sur le bien commun et la protection des victimes potentielles, dont la liberté individuelle fut ainsi mise en danger. 

 

Une contradiction parmi tant d’autres qui régissent nos sociétés dans lesquelles la distinction entre les savoirs et la connaissance n’est toujours pas très claire. Car c’est elle qui permet de bien protéger l’individu en tant que personne (tout va s’éclaircir dans la partie suivante) et dont la protection est intégrée dans un jeu social. Aujourd’hui partout dans le monde c’est l’inverse. 

 

Les informations circulent à go go, seulement là où on leur permet de circuler. Ce sont des savoirs à l’état brut, accueillies sur le fond émotionnel qui sélectionne entre convient, ne convient pas. Les convictions qui en naissent sont souvent considérées comme la fin de processus et donc confondues avec les connaissances. En effet, pour connaître il faut plus que cela. Il faut naître avec.

 

La vieille Europe s’épuise et s’appauvrit en réglementant les big datas qui ailleurs servent d’émulation pour nourrir les machines capables de traiter des nombres inimaginables encore il y a quelques années d’informations pour obtenir le but recherché. AI dont il sera question dans quelques semaines sont constamment enrichies par les informations qui y parviennent, souvent traversant les filtres peu efficaces pour migrer d’un endroit à l’autre.

 

Justement, quel est le but recherché? 

Garantir la meilleure vie de tout le monde au prix du dessaisissement des informations personnelles au profit de la collectivité. Pour protéger chaque individu. J’aurais préféré à la place de l’individu une personne, terme moins réducteur et plus respectueux de la complexité de chacun.  

 

Je vois un individu, mais je sais que c’est une personne. J’ai quelques informations sur cet individu, mais je voudrais connaître sa personne. Qui pourra mieux le faire que l’intéressé lui-même. Ainsi nous arrivons à un autre point crucial de ce podcast. 

 

Les savoirs sont des éléments extérieurs (poids, taille, âge, sexe, nationalité etc). Mais pour connaître l’autre, il faut qu’il le dise lui-même, qu’il se livre personnellement. Dans la mesure où il peut le faire, puisqu’il est un mystère pour lui-même, et l’autre rencontré devient un révélateur du sien.

 

Si la réunion par visio satisfait les participants, elle est rarement satisfaisante pour les organisateurs. Qui visent non pas seulement à délivrer les savoirs, mais à les communiquer pour qu’ils se transforment en connaissances accueillies et absorbées par les destinateurs. C’est d’autant plus important pour une communauté chrétienne.   

 

Si les typhons de ces jours-ci nous obligent à transformer les réunions prévues en présentiel en réunion par visio, c’est le moindre mal, elles ne sont pas pour autant une solution idéale. Et si d’aventure certains se réjouissent d’un tel état de fait, (hormis la satisfaction d’un gain de temps momentanément appréciable), cela devient un vérificateur pour savoir que cherchons nous, les savoirs ou les connaissances. 

 

Lorsque en 1987 la France a vendu (pas la seule) le droit d’accès aux informations concernant la population française, le mal irréparable a été fait et la faiblesse en résulte. Le fait que les infos sont stockées dans les puissants abris antinucléaires de Utha. Le Parisien du 9 sept 2017 en informe :

 

«Pour trouver les conservateurs de la mémoire de l’humanité, il faut aller de l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis. Les mormons se sont mis en tête de scanner la majeure partie des états civils du monde entier dans le but de «baptiser les morts». Une bibliothèque gigantesque a été créée à cet effet près de Salt Lake City, leur ville capitale. Elle a été creusée dans une montagne de granit, à l’abri d’une éventuelle attaque nucléaire. 

 

Des millions de microfilms et de registres y sont entreposés. En 1987, les mormons ont démarché l’État français pour lui proposer leurs services. Une convention a même été signée et s’applique toujours. L’accord prévoit que les missionnaires mormons puissent venir dans les archives départementales de l’Hexagone pour copier sur microfilms les registres d’état civil. 

 

En échange de ce travail, ils peuvent en conserver un exemplaire pour leur bibliothèque. De nombreux pays ont signé des conventions du même type avec le mouvement religieux. Les mormons ont leur propre site Internet Familysearch.org, qui fait référence dans le monde des passionnés de généalogie. »

 

Si le but de vouloir baptiser les morts peut paraître anecdotique, surtout pour les non croyants, il en est autrement pour les exploitations réelles. D’ailleurs qu’en pensent nos amis juifs et musulmans? Et qu’est-ce qui se cache derrière les derniers arrangements sur les échanges commerciaux, dont les lignes qui les régulent, encore il y a peu, étaient intangibles?

 

L’usage commercial de telles données est évident. C’est pour savoir développer les meilleurs produits, les mieux adaptés aux consommateurs. Savoir sur lui un maximum d’information, connaître son comportement au travers les navigations sur l’Internet et les achats en ligne constituent un puissant outil de pression commerciale et plus si affinité. Ici on pourra objecter avec raison que cela ne concerne que des morts. Certes, mais les morts parlent de nous. 

 

Les données biométriques sont les savoirs sur la personne qui concernent son identité extérieure. Mais cela donne accès à une meilleure connaissance de cette personne, mieux que quiconque qui ne possède pas de telles informations. Car connaître ce n’est pas un droit objectif, c’est un privilège. 

 

Privilège de connaître. 

C’est un privilège de vous connaître, ce que l’on dit dans un langage un peu pompeux ou vieilli, mais toujours aussi élégant car respectueux de la liberté de la personne qui s’est laissé approcher et connaître. Dans la connaissance il y a de l’intime qui ne se partage car il s’échange sous forme d’un don libre et gratuit. De personne à personne et parfois de corps à corps. C’est dans ce sens ultime d’une relation qu’est pris le mot connaître dans la Bible. Jusqu’à coucher avec. 

 

Le dictionnaire de Nouveau Testament de Xavier Léon-Dufour fournit suffisamment d’éléments pour avancer sur ce terrain chrétien de ce qu’est un véritable connaître.

 

ginôskô: connaître, reconnaître, au parfait savoir.

1. Selon la Bible, la connaissance ne se réduit pas à l’acte d’intelligence qui saisit un objet. Le mot conserve une dimension expérimentale, qui le caractérise: remarquer, expérimenter, savoir, discerner, apprécier, établir une relation intime entre deux personnes. D’où choisir, élire, s’unir sexuellement, enfin reconnaître. Conformément à la notion de vérité, connaître c’est rencontrer quelqu’un; ne pas connaître, (c’est ne rien faire pour le connaître, pire, -RK) l’écarter de soi. La connaissance de Dieu est possible, parce que c’est un “re-connaître” celui qui par sa création est déjà là. Connaître c’est être disposé à obéir.

 

2. Le Nouveau Testament parle encore de connaissance (grec gnosis) de Dieu dans le sens de l’AT; mais le terme survient ordinairement dans la lutte avec la gnose de l’époque. Paul le combat en soulignant que c’est Dieu qui nous a connus (=choisis) et que la connaissance est subordonnée à l’amour. Jean se refuse à toute gnose en affirmant que Dieu n’est connu qu’à travers son fils venu en chair (en cela consiste la vie éternelle) et à la mesure de la charité fraternelle.”

 

Pour un savoir être et faire du connaître chrétien. 

 

 C’est lors des rencontres un peu mondaines que je me suis remis à réfléchir sur le rapport entre le savoir et le connaître. L’interrogation était renforcée lorsque je me suis rendu compte que dans les relations sociales (LinkedIn, autres Facebook) ce qui est visé, c’est de savoir qui est cette personne. Et comment en tirer le meilleur parti. Avoir un bon carnet c’est une bouée de sauvetage dans les moments difficiles, c’est un ponton de repos dans les temps faciles.

 

Si les informations que l’on voudrait obtenir doivent uniquement servir à celui qui en est à la recherche, ce n’est pas une relation chrétienne, car il n’y a pas d’échange libre des biens dont chacun dispose. Or, la circulation est possible d’une démarche visant à connaître et se faire connaître. Obtenir les informations tout en avançant masqué n’est pas chrétien, pas de respect de la liberté qui permet l’échange. Une rétention volontaire ou involontaire (même si l’effet est le même, mais la gravité morale n’est pas la même) est toujours une entrave à la connaissance véritable.

 

Le cas des sites de rencontres sérieux qui permettent d’aboutir à une relation durable et droite, est assez intéressant du point de vue de la question de connaissance et de son corollaire que sont les savoirs. On s’y présente avec quelques caractéristiques qui peuvent inciter à se dévoiler un peu plus. 

 

Mais on sait que c’est un partage de vie en vérité. C’est dont on n’est jamais sûr pour ce qui est de la durée. Tout comme dans les relations en société où les savoirs s’échangent comme des biens commerciaux pour disposer y compris jusqu’à de son corps.

 

La vraie connaissance chrétienne est celle qui réside en Dieu, dont le chrétien tente de pénétrer le mystère sans jamais y parvenir. Être, naître, connaitre, reconnaitre un segment linguistique en poupée russe, à lui seul contient une mine d’informations utiles pour comprendre la différence entre savoir et connaître. Les enfants viennent au caté pour connaître Jésus et à cette occasion apprennent à savoir des choses sur lui. 

 

Les informations (les savoirs) on peut les obtenir sans rien connaître de Jésus et de son enseignement véritable. La connaissance implique la proximité qui permet de nouer un lien intime. Sauf lorsque l’esprit mauvais que Jésus menace d’expulsion lui crache à la figure, toi, je te connais, tu es le Fils de Dieu (cf Marc 1,23…). Mais c’est une autre histoire et peut être pour une autre fois. 

 

La connaissance s’acquiert par une fréquentation réelle des lieux qui la permettent. Un lieu privilégié est la solitude qui cherche à être habitée, un autre est la convivialité spirituelle et humaine qui sont de belles expressions de la re-connaissance. 

 

Le pain de la messe pour prendre corps et le vin pour donner vie aux deux corps, celui du Christ et celui du communiant. 

 

FIN