Rappelons tout d’abord qu’il s’agit d’une idée française, imaginée sous Jacques Chirac, et repris par chacun des présidents qui lui ont succédé. Et le 8 septembre dernier, c’est le président du Conseil européen – Charles Michel – qui a continentalisé l’idée, lors du Forum économique de Bruxelles. Selon lui, « l’UE n’acceptera pas que des biens non-conformes aux normes environnementales concurrencent injustement les produits européens, tout en nuisant à notre planète ». La Commission devrait donc présenter une proposition de directive dès le second trimestre 2021. Ces mesures d’ajustement carbone aux frontières entreront également dans le cadre du plan de relance, en formant une ressource supplémentaire pour honorer la dette contractée pendant cette crise sanitaire. Ce Border Carbon Adjustement permettra aussi de limiter les « fuites de carbone », issues de la délocalisation d’Industries fortement émettrices de gaz à effet de serre, ou de transferts de production vers des pays à la politique climatique peu ambitieuse.

Eric Maurice, directeur du bureau bruxellois de la Fondation Schuman, explique même que les idées françaises sont désormais mieux acceptées en Europe. Et cette taxe carbone représente également une meilleure affirmation de l’Europe, dans un contexte géopolitique plus large, et pour défendre ses intérêts stratégiques. Cela peut aussi signifier la fin de la « naïveté européenne » vis-à-vis de la Chine.

Cependant, les contours du mécanisme restent flous, et « on est au travail », résume le français Yannick Jadot (EELV) et rapporteur sur la taxe carbone aux frontières, pour le Parlement européen. Pour lui, « l’Europe joue sa crédibilité et sa légitimité dans la lutte contre le dérèglement climatique, et la transformation du modèle économique ». Une consultation publique a ainsi été lancée par la Commission européenne, le 22 juillet, qui s’étend jusqu’au 28 octobre. Parmi les options évoquées, on retrouve : des droits de douane appliqués à certains produits à forte intensité carbone et dans des secteurs à risque de fuite de carbone ; une extension du marché européen du carbone aux importations, qui impliquerait l’achat de quotas d’émissions ETS par les importateurs ou les producteurs de pays tiers ; l’achat de quotas en dehors de l’ETS ; une taxe carbone (droit d’accise ou TVA) sur la consommation de produits européens et importés qui relèvent de secteurs à risque de fuite de carbone.

Cependant, l’Allemagne affiche toujours ses réticences. La Fédération des Caisses d’Epargne, y voit ainsi, « de sérieux problèmes de faisabilité, équitable et efficace ». La conformité aux règles commerciales en vigueur, et les revenus substantiels générés par le mécanisme, sont fortement remis en question. Les spécialistes allemands de l’Economie estiment que les Etats membres déploient des politiques de soutien à la création d’un marché pour les innovations bas carbone dans l’Industrie.

Au-delà d’une mesure de protectionnisme, cette taxe carbone doit donc amener le débat de l’amélioration de nombreux secteurs industriels polluant.