Cela peut vous intéresser, voire vous concerner, si toutefois plusieurs conditions sont réunies, plusieurs si.

Si toutefois vous vous intéressez à ce que l’on fait au cours d’un tel rassemblement.

 

Si toutefois, vous vous intéressez aux paroles et aux gestes, aux traductions et aux attitudes qui les accompagnent. 

 

Si toutefois fois cela vous intéresse, car il vous arrive parfois d’y être sans pour autant y comprendre grand-chose.

 

Si toutefois, il vous arrive de vous dire que peut être essayer de comprendre un peu, cela pourrait s’avérer bénéfique. Bénéfique y compris pour ne pas perdre inutilement de son temps, quand on y est par obligation voire un certain intérêt seulement.

 

Si toutefois, il vous arrive de venir régulièrement, pas seulement pour y assister mais pour y participer. Et de plus, si toutefois vous êtes même engagés dans les élaborations des abords de tels événements.

 

En bref, si l’un ou plusieurs si se présentent, continuez à écouter, et si un autre si vous vient à l’esprit, que je n’avais pas énuméré, car pas vu, faites ce qui bon vous semble.

 

Ad rem, depuis dimanche dernier dans l’Église catholique entre en vigueur une nouvelle manière de célébrer la messe en français. Rassurez-vous, si vous craignez un recul; calmez-vous, si vous espérez être enfin entendu. Ce n’est pas une grande révolution, c’est juste un petit toilettage.

 

Le nouveau missel, celui dit de Paul VI contient les textes et les indications pour savoir comment célébrer selon le rite toujours catholique, mais désormais renouvelé, par rapport au précédent hérité essentiellement du concile de Trente et de la Contre-Réforme.

 

Lui-même a déjà subi deux petites modifications en 1975 et en 2002, mais pas en français. La dernière, de 2021 donc actuelle, porte sur quelques problèmes de traductions et certaines attitudes. 

 

Ce n’est toujours ni confirmation en grande pompe du retour du latin, ni son abolition pure et simple, pas plus qu’un amoindrissement de la valeur du rite dit de Paul VI. Pour ou contre, ce n’est pas l’objet, et si on voulait creuser, il faudrait aller voir le dernier document en date côté Traditionis Custodes.

 

Si toutefois un léger accent est mis sur l’usage du latin, c’est sous forme d’une recommandation pour certaines parties, comme Gloria ou Crédo. 

 

Rien de plus, est-ce pour contenter quelques mécontents voire déçus, personnellement, je ne le crois pas. Car le latin n’a jamais été supprimé comme langue de référence.

 

C’est vrai pour la liturgie, c’est vrai pour les traductions officielles de tous les documents, dont ceux des missels ou encore d’autres sacrements qui en font partie. Et il faut des sacrés spécialistes d’une langue morte, qui parfois tient lieu de langue vivante, vaillamment ressuscitée pour un tel usage liturgique.

 

Le dernier toilettage répond aux attentes de la congrégation pour le culte divin, qui, il y a déjà quinze ans, a émis le souhait d’harmoniser les traductions en langues vivantes à partir de leur langue de référence qu’est le latin. En anglais c’est déjà fait depuis plusieurs années, il était temps de le faire en français, comme dans bien d’autres langues.

 

Et si cela était un peu plus long que prévu, c’est aussi à cause des discussions parfois quasi interminables au sujet de quelques détails comme le consubstantiel du Credo…

 

Pour signaler les nouveautés je me concentre uniquement sur une seule partie, celle qui concerne l’assemblée. Nous allons les parcourir dans l’ordre chronologique de la messe en regardant de près les différences de traductions et leurs raisons. Puis nous regarderons les nouveaux points d’insistance sur les attitudes.

 

D’abord venons-en aux mots.

 

Dès l’act pénitentiel, Frères et sœurs, une forme inclusive désormais s’impose. Elle est faite à là demande des partenaires suisses et canadiens. C’est à croire qu’ils sont plus avancés sur le terrain d’une telle évolution des mentalités, alors que le latin comprend déjà une telle inclusion, comme le français.

 

Puis dans Gloire à Dieu ce n’est plus le péché du monde qui est désormais à reconnaître comme l’objet de l’action salvatrice du Christ. Péché dans lequel comme dans un tout général, tous on y participe.

 

Sauf que, pour que chacun puisse s’y sentir vraiment concerné, il faut passer à l’auscultation de ces bosses, boursouflures, bleus de toute la gamme de ses variantes, donc des situations bien concrètes.

 

Il s’agit des péchés concrets, réellement constatables que les uns les autres commettent et par lesquels chacun est visé.

 

Ainsi du point de vue théologique dans la demande du pardon pour le péché du monde on se met face à l’idée d’être sauvé en général. Et parfois cela fait endormir certains qui s’en contenteront, et même si l’on demande d’être pris en pitié, cela pourrait ne pas trop avoir d’effets sur notre conversion pourtant ainsi visée. 

 

Y aura-t-il quelque amélioration sur ce plan avec la nouvelle formule, rien de moins sûr, car tout est question d’une conscience suffisamment profonde pour passer de l’un à l’autre. De l’état de pécheur avec son lot des petits ou gros cailloux dans les chaussures, conscient de l’un ou de l’autre, mieux encore des deux à la fois, pour passer vers l’état du pécheur converti, l’objectif est toujours le même.

 

D’une vague idée souvent inaboutie selon laquelle Dieu nous sauve de l’état de pêcheur, on passe au salut concret, tangible, comme sont les péchés concrets et tangibles. Un tel salut est précis dans ses effets, on pourrait dire accompli à la perfection seulement par Dieu. 

 

Quant à notre réception d’un tel salut, cela s’exprime par notre conscience qui tente d’identifier ce qu’elle peut. Certes, le salut agit aussi (et heureusement) à notre insu, mais nous ne sommes jamais de parfaits récepteurs de ce salut. 

 

Quoiqu’il en soit, tout le reste est aussi soumis à la puissance du pardon généré par le cœur miséricordieux de Dieu Tout-puissant. 

 

Voilà ce que m’inspire le passage du singulier au pluriel, du péché aux péchés ; long est le chemin pour chacun et la liturgie de la messe nous y accompagne.

 

Et “le pompon” est dans le Credo, ce n’est pas un toilettage comme dans les cas des sœurs ajoutées aux frères. C’est encore plus fort que dans le cas des péchés. Pour les protagonistes, l’enjeu théologique y est fondamental. Il s’agit de remettre un mot technique, mais bien plus précis que celui qui figure à cette place pour le moment.

 

Ainsi, parlant de la relation entre le Père et le Fils dans la sainte Trinité, là où il était dit que le Fils était “de même nature que le Père”, le mot “nature” est remplacé par le mot “consubstantiel”. Ainsi le fils n’est plus de même nature, ou plutôt pas seulement, mais surtout “consubstantiel au Père”.

 

La précision a échappé aux traducteurs officiels, et ce pour des raisons que l’on pourrait identifier dans une opacité de l’approche plus ou moins involontaire, visant à s’éloigner le plus possible de la langue latine, langue morte, dont le terme technique pour être bien traduit doit être le plus prêt de la mentalité soutenue et générée par la langue vivante. 

 

Ainsi on avait cru bon de remplacer ‘de même nature que le Père’ par `consubstantialem Patri`. Remettre le mot technique peut heurter l’innocence des oreilles peu aguerries dans les joutes philosophiques et leurs résonances théologiques. 

 

Quoiqu’il en soit, on n’a pas trouvé mieux que de revenir au mot dans sa racine latine, quitte à l’affubler d’un commentaire savant pour lui garantir le droit de cité dans la conscience des fidèles.

 

Mais quelle joie d’un certain Jacques Maritain qui dès le départ dénonce une expression hérétique dans “de même nature”. Dès les années 1970, il le dénonçait en expliquant de la sorte :

 

“Je suis de même nature que Mr Pompidou, je ne lui suis pas consubstantiel”.  

 

L’identité de substance entre le Père et le Fils est ainsi exprimée. Pour le comprendre, il faut un peu de philo aristotélicienne, le cérébral athénien distinguait entre nature qui donnait droit d’appartenir à la même catégorie d’objets ou de vivants (en l’occurrence des humains) et la substance qui renvoie à l’identité commune.

 

Le changement le plus important en termes du nombre de mots, se trouve dans la prière qui suit la prière sur les offrandes.

 

Les anciennes paroles du célébrant :

“Prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église” sont transformées en :

“Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout puissant.”

 

L’assemblée répond :

 

“Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Église”.

 

L’ancienne formule dite par le prêtre me convenait bien, car elle englobait l’action d’offrande de toute l’Église. Je n’y voyais jamais un amoindrissement du rôle particulier du prêtre, ce qui toutefois suppose une bonne culture chrétienne théologique de la part de l’assemblée. 

 

Dans la nouvelle formule, les distinctions sont bien clairement établies, sans confusion. Mais si l’on insiste trop sur cette distinction, on risque de ressusciter l’ancien travers qui, à force d’accorder au prêtre le rôle du faiseur de la messe, faisait repousser la place des fidèles à une périphérie d’auxiliaires de la prière du prêtre. 

 

Or ce n’est pas pour le prêtre qui représente le Christ à certains moments de la messe, surtout la prière consécratoire, que les fidèles se rassemblent. Ils se rassemblent en étant conviés eux-mêmes au repas du Seigneur, célébré en communauté et présidé par celui qui préside à la communauté, toujours au nom du Bon Pasteur.

 

En revanche la réponse “pour la gloire de Dieu et le salut du monde” dans la version précédente en français était tronquée par rapport à la formule latine, gardée en anglais et ou en polonais par exemple.

 

Mais c’est un peu comme avec le péché et les péchés du monde, l’analogie porte sur le passage du singulier au pluriel là-bas et du sacrifice commun au sacrifice distinct entre celui du célébrant et celui de l’assemblée ici.

 

Il est évident que dans la nouvelle traduction, on met l’accent sur la fonction distincte du prêtre et celle de l’assemblée.

 

Il va falloir être particulièrement attentif et patient pour apprendre ce dialogue.

 

Et puis attention à la confusion à cause de l’inversion des mots dans les formules de l’anamnèse.

 

Je présente celle qui est la plus couramment utilisée.

 

A la place de “nous proclamons ta mort”

C’est désormais “nous annonçons ta mort”…

Puis à la place de “nous célébrons ta résurrection”

C’est : “nous proclamons ta résurrection”. 

 

Là encore on pourrait développer des arguments en faveur d’un tel changement lexique. Comme on proclame la foi, on proclame la source de cette foi que la résurrection. 

 

La mort est un fait historiquement constable, la résurrection aussi, mais pour le faire l’on a besoin d’un acte de foi qui, tout en s’appuyant sur le fait historiquement constatable (les témoins du ressuscité attestent de sa présence sur terre avant son ascension), a cependant besoin d’un acte de foi qui le confirme.

 

Dans l’agneau de Dieu, comme dans Gloria, le péché au singulier est remplacé par le pluriel, les péchés.

 

Pour les attitudes, il est à souligner l’importance des moments de silence déjà pratiqués souvent en début de l’acte pénitentiel, avant la prière de collecte, après l’homélie et la communion. Le document qui explique le nouveau rituel signé par les pères du concile Vatican 2 intitulé Sacrosanctum Concilium en tient déjà les indications à ce sujet.

 

Est ainsi mise en avant l’importance du chant et du gestuel pour signifier la participation du corps à la liturgie.

 

De même pour les temps d’arrêt plus longs après l’ostension du pain et du vin transformés en corps et sang du Christ qui doit se faire dans la posture d’adoration par le prêtre et par l’assemblée. Pour se faire une attitude de profond recueillement lors d’un tel moment d’adoration est demandée à être particulièrement soignée. 

 

Un toilettage avec des points d’attention qui en résulte, oui. Une attention aux nouveaux points d’appui demande toujours une saine vigilance afin que la liturgie puisse être un acte communautaire d’une rencontre vivante avec celui qui la convoque, le Christ ressuscité. Et chacun s’y retrouvera.