Longtemps, cette question est restée en suspens : savoir si un ministre des Français de l’étranger était utile, ou non ? David Douillet, qui a occupé ce poste sous Nicolas Sarkozy, exprimait lui-même toute la limite de ses activités à ce poste. 

Sauf qu’il était en poste en 2011, avec 1 million et demi de personnes, assez homogènes. Et s’ils ne sont que 200 000 de plus, inscrits au registre consulaire en 2023, on estime leur nombre réel à 3 millions d’expatriés. Mais surtout, leur profil a largement évolué. Ce ne sont plus seulement des cadres de grands groupes, ou des Français qui tentent d’échapper à l’impôt. Les générations nées après 1975 sont bien plus à l’aise avec les langues étrangères, et l’ouverture de l’espace Schengen a donné des envies d’ailleurs. Les jeunes Français intégrés, issus de la 3è ou 4è génération, sont aussi plus enclain à partir à l’étranger, notamment Dubaï ou Riyad, ces-dernières années. Enfin, le développement du télétravail aide aussi au nomadisme digital.

Or, l’administration consulaire n’avait anticipé un tel phénomène. D’où la nécessité d’une direction politique qui projette les besoins de ses compatriotes. Car il existe une grande différence de traitement entre les cadres de grandes entreprises, et les Français qui travaillent pour des entreprises locales. Bourses scolaires, coûts en matière de Santé, parcours du combattant pour les papiers d’identité, les écueils se sont multipliés ces-dernières années. Il a donc fallu attendre les nominations d’Hélène Conway (sous François Hollande), puis Jean-Baptiste Lemoyne (sous Emmanuel Macron), pour prendre ces dossiers au sérieux. Une prise de conscience d’autant plus accélérée depuis le Covid.

L’autre enjeu, c’est la capacité à (re)mobiliser les 1 million 400 mille expatriés inscrits sur les listes électorales des Français de l’étranger. Globalement moins intéressés par les rouages des mouvements politiques, une action symbolique a souvent du poids pour faire adhérer les expatriés au gouvernement en place. Le score d’Emmanuel Macron en 2022 l’atteste, avec la réorientation des fonds prévus pour le soutien direct aux associations, et la promesse d’une éventuelle résidence de repli, qui ont fait gagner 600 000 voix au Président de la République.

Or, les élus des Français de l’étranger espèrent que ce portefeuille soit remis directement au Premier Ministre, à l’instar de l’écologie, afin d’éviter le filtrage de l’administration consulaire pour faire passer les messages au sommet de l’Etat. Pas sûr, pour autant, qu’ils soient entendus, tant Matignon est souvent pris par les urgences du quotidien…