Comment fêter la joie de la naissance d’un enfant, alors que les restrictions sanitaires s’imposent?

Heureusement, il y a les moyens de communications virtuelles. Cela rapproche et permet d’entretenir la flamme du désir de la rencontre. Désir remis à plus tard, dans pas très longtemps, on l’espère toujours. 

En attendant, on se connecte, on renoue les liens avec nos proches, avec qui on s’était plus ou moins connectés avant. On cherche même à renouer avec ceux qui gravitent dans les réseaux sociaux communs. Mais à la présence desquels jusqu’alors on n’accordait pas trop d’attention. 

Tous, nous sommes pris dans le tourbillon de vies mouvementées. Nos vies sont soumises à des pressions visant surtout la performance, l’efficacité. Dans ce cercle vertueux, le croyons-nous, nous en incluons quelques-uns qui deviennent nos amis avec qui partager en toute confiance ce qui fait notre pain quotidien. Par la force de choses, nous en excluons bien d’autres, car comme on dit, l’on ne peut pas être ami avec tout le monde. Même Jésus, pourtant expert en la matière, n’a pas réussi. 

Rien d’étonnant ni moralement mauvais dans une telle manière de créer nos cercles sociaux, jusqu’à son substrat en termes d’amitié. Nous laissons de côté tant d’autres qui gravitent dans nos réseaux sociaux ou autrement, sous forme de météorites ou d’étoiles filantes de notre ciel, dont parfois on détecte la présence sur les écrans de nos radars. Sans plus, et ils constituent une réserve déjà existante de relations possibles toujours enrichie de nouvelles qui viennent ainsi s’ajouter à celles déjà existantes. 

Si l’on les ignorait jusqu’alors, c’est plutôt par la force de choses, à cause des occupations quotidiennes, de la distance, ou encore des centres d’intérêts qui ne se recoupaient pas. On les ignorait sans animosité, mais non plus sans leur accorder plus de considération. Ils y étaient sans y être vraiment, en mode virtuel, comme des éléments de décor pour garnir le passage de nos carnets d’adresses. Parfois nous nous sentons utiles pour eux, souvent ils étaient considérés comme utiles pour nous, mais seulement le moment venu.

Et le moment est venu, Noël 2020 est réinitialisé par le Covid-19.

Un contact coupé devient maintenant souvent un contact renoué. Les temps de poses offrent la possibilité pour se poser, pour se reconnecter, pour se parler, et surtout pour écouter. Le temps de pose de la fin de 2020 est un millésime particulier. 

  

C’est le temps de la rencontre et le temps de l’écoute: comment va le monde et comment bat notre cœur. La meilleure écoute, c’est en présence des autres et Dieu ne s’offusquera pas d’y être compté. Lui et son cortège céleste tiennent une place de choix.

La solitude appelle toujours à la solidarité, celle de soi à soi, pour être bien solidaire de notre destin découvert, accompagné et dirigé.

C’est aussi vrai dans la vie ordinaire, mais ceci est accentué en temps de pandémie qui isole et provoque la soif du lien. 

Connecter avec les autres pour mieux être connecté à l’intérieur de nous-mêmes. Et cela nous aide à être mieux connectés avec ce tout Autre et son univers qui émerge de la brume de notre conscience et se dessine comme un monde possible. Possible au point de pouvoir s’y projeter et y trouver notre place.

L’extraordinaire du Noël version 2020 côtoie l’ordinaire de la vie dans laquelle Noël renforce le sentiment de solitude. La solitude de l’hôpital et celle de la quarantaine ne sont pas à mettre au même niveau. Mais chacune devient un lien privilégié de la rencontre lorsque celle-ci se présente. 

“Continuez à envoyer vos méditations, j’en ai besoin surtout quand je suis en isolement entre deux vols”, dit un pilote, alors que je réfléchissais sur l’éventualité d’arrêter cette activité initiée au printemps, au cœur des semaines sombres d’alors, lors de la première phase de confinement. 

D’ordinaire c’est le tourbillon d’une vie surmenée qui nous plombe. A présent c’est le tourbillon viral qui nous surplombe, telle une tornade, il nous cloue au sol de nos existences humaines, basiques. Tant que nous sommes dans l’œil du cyclone, tout y est calme sans mouvement. 

C’est alors que nous avons le temps de nous entendre sur nos relations autrefois périphériques. Ainsi disposés et presque suggérés par l’environnement, nous y allons avec notre centre de gravité, celui de la vie pour partager notre élan d’ouverture vers les autres. Notre vie se joue là et notre Noël y prend forme de l’accueil d’une vie nouvelle.

Aller à la périphérie, le pape François en a fait la devise de son pontificat. C’est une excellente occasion d’y aller lorsque la pandémie cloue au sol nos rêves de voyages transfrontaliers. 

Dans cette situation surtout ne cessons pas de rêver, mais rêvons différemment, avec les moyens du bord, moyens concrets que le monde moderne nous offre. 

C’est à la capacité à rêver que se mesure la résistance contre les forces d’enfermement et de repli sur soi. Car c’est dans nos vies et en fonction de circonstances données, pour la plupart, et comme maintenant imposées, que nos rêves nous emmènent au loin.

Sans quoi nous risquons de nous déconnecter de nous-mêmes. Si nous succombons à la tentation du repli sur soi, les rêves se transforment alors en cauchemars. Ils portent les marques d’une tare de consanguinité, qui mettent gravement en danger la vie ainsi privée des anticorps capables de nous défendre contre les maux du corps, de l’esprit et de l’âme.

Il nous faut rêver d’une gigantesque crèche vivante qui se déroule sur l’ensemble de la planète terre durant le temps de Noël. Chaque enfant y a droit, pas seulement comme spectateur, mais également et peut être davantage, il a droit d’y être comme acteur et l’objet de tant de sollicitude. 

Car c’est dans cet enfant de la crèche de Bethléem qu’est à identifier chaque enfant. Et chaque année, à la même époque le scanner d’une telle identification repose sur nos rêves de voir grand à partir de ce petit enfant, comme à partir de tout enfant. 

Car enfanter humainement, voire divinement, c’est une chose, autre chose est de maintenir grande ouverte les portes de son cœur, ces ventricules de l’existence aimante. Elles permettent à l’oxygène de l’espérance de circuler librement pour le plus grand bonheur de chacune des cellules dont est composé un corps ainsi animé. 

Les réalisations d’un tel rêve au sein de la famille, ce sont des réalisations domestiques qui seront autant de points lumineux qui s’allument sur le ciel souvent sombre de notre destin humain terrestre. Un ciel qui se laisse trammer par des fils d’or de tels éclats de lumière. Notre ciel, qui avec le souffle des Alizées de l’espérance résiste aux assauts de toutes les pollutions qui empêchent de voir le bleu du firmament et les étoiles qui y brillent.

La crèche de Noël nous ouvre à tout cela, il nous suffit d’y être acteur des choses à faire et spectateurs des choses à admirer. Pour les premières, avec un joyeux empressement, car il n’y a plus de temps à perdre. Pour les secondes, avec une disposition à être capable de nous laisser surprendre à adopter la posture d’un ravi de la crèche. Tout cela pour la plus grande joie de l’enfant qui sommeille en nous et attend d’être réveillé au moins à l’occasion de Noël.

Le ravi de la crèche est entièrement sous l’emprise d’un excitant qui ne le tuera pas. Au minimum, il lui permettra de faire brûler bien de toxines qui empoisonnent à petit feu. Mais dans un élan de générosité qui s’échappe par l’ouverture à l’inconnu et qui le traverse depuis toujours et qui le pousse à communier avec la crèche et tout ce qui s’y meut, un tel ravi sera un de ces premiers témoins de la puissance divine cachée et ainsi révélée. 

C’est aussi cela le Noël. 

Pour finir, revenons aux connexions par les moyens techniques virtuels. Pour la crèche vivante et pour le baptême pas moins vivant, la connexion est possible. Elle est même indispensable, et dans le christianisme, est elle-même, un élément clé de la démarche spirituelle. Le chrétien expérimente un lien à distance, avec les autres par la prière. Ce n’est pas la même sensibilité qui y est engagée, mais ce n’est pas moins réel au dire de ceux qui s’y reconnaissent. 

Il est né le divin Enfant…