Préparer Noël, et mille et une façons de l’aborder. Je vous propose de le faire essentiellement à partir de quelques indications que je trouve dans mon propre agenda.

Et comment cela m’inspire, et chacun amendera à partir du sien.

 

Notre agenda, on peut le considérer de deux façons, en plein et en creux. En plein, ce qui y est présent, ce par quoi est rempli la vie ainsi envisagée et ce qui grosso modo se déroule de fait.

 

En creux, ce qui y manque aux yeux de son propriétaire et responsable de son remplissage. La matière invisible, le trou noir, les présences invisibles envisagées, mais pas constatables dans les faits. De l’énergie disponible quelque part dans l’arrière-boutique de la pensée, mais pas déployée, pas mise en circuit pour transformer le temps et l’espace en traces visibles de notre présence.

 

Alors que ce qui y manque aux yeux d’un tiers n’est qu’une malencontreuse ingérence dans un espace privée. Ce qui cependant ne signifie pas qu’il n’y ait aucune corrélation à établir entre un regard bienveillant posé sur les creux, mais aussi sur les pleins, souvent trop pleins, de nos agendas d’un côté et nous, leurs propriétaires et commanditaires, de l’autre.

 

Sinon, il n’y aurait plus de queue chez le psy et la sécurité serait moins chargée de son déficit social. Sans parler des embouteillages aux stations de service de discernement accompagnés par ceux qui souhaitent se rendre utiles pour que plus belle soit la vie. Et inversement, le vide devant les confessionnaux est comme les trous noirs dans nos agendas qui brillent par leur vacuum.

 

En plein, je constate en ce qui me concerne les activités auxquelles j’ai pu prendre part en vue de Noel. Et en creux ce que j’aurais aimé faire en plus ou à la place de quelque chose déjà prévue, mais que j’ai eu du mal à modifier dans mon agenda.

 

Ce n’est pas le lieu ici de m’attarder trop sur les pourquoi du comment d’un tel état de fait. Juste faire l’état des lieux, c’est déjà cela l’Avent, une joyeuse attente de l’accueil d’une présence qui change tout, un enfant qui vient dont la présence comble au-delà de l’imaginaire le plus pur et le plus audacieux.

 

C’est sous forme d’un témoignage sans prétention de quelque façon que ce soit. Juste une illustration parmi tant d’autres possibles et réellement vécues. Juste pour ouvrir la voie à cette immensité des possibles en train de se réaliser ou plus ou moins clairement rêvée, puisque nous nous sentons concernés par tant de choses que l’agenda en déborde, puisque nous ne sommes pourtant pas totalement satisfaits que notre agenda soit le lieu de notre souffrance. Et c’est particulièrement tendu à l’approche de grandes fêtes, comme maintenant pour Noël.

 

C’est comme dans l’émission micro-trottoir : Noël, c’est quoi pour vous ? Et le micro est ouvert devant moi. Et moi ne restant pas muet, prêt à combler le vide, je me prête au jeu. Mais pas tout de suite, pour le moment je continue à planter le décor.

 

Pour préparer Noël, il y a deux domaines que nous pouvons envisager : nous-mêmes et notre entourage. Pour nous-mêmes, c’est nous préparer au plus intime de ce que nous pouvons et de ce que nous désirons pour notre compte personnel.

 

Préparer Noël c’est descendre dans les sous-sols de notre être un peu lumineux, un peu caverneux, moite de larmes pas bien asséchées, suintant sur les parois de l’épiderme des désirs inassouvis, par endroits transformés en culture de “champignons de Paris” pour joindre le moins (peu) inutile à l’agréable.

 

C’est comme une obligation, pire, un devoir impérieux, ou encore un impératif soyeux pour tisser la toile lumineuse des relations bon enfant à l’adresse indistinctement des petits et des grands. Ces derniers, étant d’anciens combattants de leur état précédent, s’y prêtent aux jeux avec délice et en complices de la bonne fée de Noël, se mettent à rêver d’une vie plus belle que d’ordinaire.

 

Et c’est comment lorsque Noël est synonyme de galère, stress, parcours de combattants ? Galère dans laquelle on est embarqué comme tous “les malgré nous” expédiés au front sans ménagement, où paralyse d’avance le stress de ne pas bien réussir, de ne pas être à la hauteur. Ne pas être à sa place, comme revêtir la peau du père Noël n’est pas du goût de tout le monde.

 

Et pourtant le parcours de combattants se profile inexorablement, l’on ne voit pas comment l’éviter pour trouver les bons cadeaux, pour choisir des bons plats pour se vêtir de beaux draps.

 

Pour couronner le tout, après s’être frotté à une ambiance spirituelle, fortuitement délétère d’une fuite d’espérance que l’on peine à retenir dans les chants de Noël devant la crèche, songer à réussir un repos en staycation, sans franchir de frontières. Sauf celle qui nous sépare de la fatigue pour rejoindre les paisibles étendues de la douceur apaisante.

 

Préparer notre entourage spatial d’abord, une crèche par-ci, un calendrier de l’avant par-là, un sapin de Noël par-ci, un père Noël par-là.

 

Tout cela est envié par d’autres enfants, eux d’abord, puis par ceux à qui d’ordinaire personne ne pense, les exclus et isolés de toute sorte, dont on s’évertue à enfiler les noms comme des perles momentanément précieuses, tout en demeurant des cailloux dans les chaussures qui faisaient pourtant si mal naguère.

 

Préparer Noël c’est consolider le tissu relationnel, y mettre de la lumière, de la joie. Et enlever le plus des cailloux, présents dans les chaussures des autres, pour qu’enfin quelqu’un enlève aussi les nôtres.

 

Et d’autant plus facilement se fera alors, par les décors et cadeaux interposés, l’osmose entre moi-même et les autres. La membrane qui les sépare est poreuse et permet l’enrichissement mutuelle, voire une fécondation.

 

Bientôt Noël ! Et que ça circule. C’est ainsi qu’est à faire naître ou renaître cet enfant qui vient. C’est ainsi qu’est à grandir ce désir d’élargir le cœur et de renforcer les liens.

 

Si le désir y est, chacun trouvera la voie qui lui est propre pour y parvenir, et le bonheur habitera les recoins jusque-là délaissés dans la pénombre de la tristesse et du mutisme, son ombre.

 

Et il est important dans ce contexte de savoir si dans toutes ces représentations de Noël sous forme d’un arbre et des bons d’achats y accrochés, il reste encore quelque chose du Noël chrétien.

 

Cela aide ou cela empêche la préparation à la manière chrétienne. La confrontation avec le trop plein de vie sociale est féroce. C’est comme préférer la convivialité d’Halloween à celle de la Toussaint. Le choix cornélien des parents de devoir tailler dans leurs agendas et ceux de leurs enfants n’a rien de simple, entre solidarité de voisinage à soigner et exprimer et celle de la communauté à envisager.

 

Cet enfant est le résultat de notre part dans la participation active de l’accueil du mystère de la vie, que le croyant parvient à identifier dans une force supérieure considérée alors comme la source ultime. Et il s’exerce à y prêter l’oreille avant d’ouvrir la bouche pour assouvir la faim, pour étancher la soif.

 

Dans mon agenda, venons-y enfin, je trouve d’abord, tout aux portes de l’Avent un pèlerinage. Extreme-Pilgrimage est une nouvelle tradition du diocèse de Hong que j’accompagne depuis sa création il y a quelques années. Il a normalement lieu à l’approche de la fête du 8 décembre, l’Immaculée Conception, fête patronale de la cathédrale et du diocèse.

 

Mais cette année il a fallu l’avancer à cause de l’ordination du nouvel évêque qui a eu lieu le samedi 4 décembre. L’avantage de la programmation avancée d’une semaine s’est combiné cette année avec une météo bien clémente à la faveur d’un emplacement nouveau, plus abrité du vent.

 

Là aussi une belle manière de préparer Noël que de réunir à la cathédrale tous les prêtres et diacres et religieux et religieuses, représentants des paroisses et divers services, les officiels du pouvoir politique et bien des affaires publiques à l’occasion de l’ordination de notre nouvel évêque. Préparer Noël c’est pouvoir rassembler tous les pouvoirs qui ont le pouvoir de répondre positivement à l’appel au respect pour chaque enfant.

 

Une belle tradition aussi que celle à laquelle je suis convié depuis quelques années à l’occasion de la fête de sainte Barbara pour participer à la fête de la patronne des tunneliers. Et ils sont nombreux à Hong Kong

 

Ils creusent pour ouvrir de nouvelles voies souterraines, à cent mètres de profondeur parfois, sous une chaleur étouffante et à la merci des imprévus qui peuvent avoir de graves conséquences.

 

Par leur intermédiaire, je touche très concrètement au travail des hommes, ce travail que dans chaque messe j’évoque dans la prière et que nous amenons dans la procession des offrandes.

 

Et à la demande de tunneliers en chefs, je confie leurs équipes à ces forces spirituelles, que je convoque à la bienveillante présence pour entourer les tunneliers de leur protection, en leur inspirant des pensées et des gestes qui font éviter les dangers. Que la grâce de l’enfant à naître les devance dans les bons choix à faire.

 

A l’occasion de ces prières, je suis ainsi transporté dans trois endroits différents. Je jubile de joie au contact avec ces hommes et ces femmes qui travaillent la terre. Certes ce n’est pas pour y faire pousser les carottes et les fraises, mais pour ceux qui les mangent trouvées ailleurs, pour avoir les forces d’aller de l’avant.

 

Jusqu’à ce qu’il faut. Tu es enfant de la terre et à la terre tu retourneras. J’y soupire avant de trépasser pour en jouir à la surface, un peu, assez pour goûter les bons fruits de cette terre.

 

Organiser les actions d’entraide et toucher du bout des doigts les effets qui les signifie, c’est sûrement important, mais pas suffisant. Accompagner les autres qui s’y adonnent avec engagement en temps et énergie, prier pour eux, c’est bien.

 

Faire les ponts partout où c’est possible c’est sans doute important pour nouer les liens de fraternité. Mais pas assez, pas comme il le faudrait selon les critères des besoins à respecter le code qui régit les comportements pléniers. Je les incite à penser et prie devant eux pour tous ceux qui vont emprunter les voies qu’ils préparent. Ils creusent alors des tunnels des lieux à l’intérieur d’eux-même.

 

Je sais ce qui me manque dans mon agenda, transformer la matière première, la plus basique, remuer la terre, tailler la haie, donner vie à un potager en puissance.

 

Un rêve d’un paradis perdu, sans doute, mais au travers de ses expressions les plus concrètes. Mais à défaut de produire, on peut toujours partager les fruits de la terre. Là aussi, c’est d’une manière très concrète que l’on peut le faire, et les destinataires ne manquent pas.

 

Célébrations de réconciliation, cérémonie de souvenirs des régiments canadiens dans la défense de Hong Kong en 1941, fête de l’Immaculée conception, marché de Noël et autres activités caritatives de la CCFHK. La liste est assez longue, comme longue est l’attente de l’enfant qui vient.

 

Mon agenda ne le spécifie pas de façon très claire, mais nombreuses sont les activités qui n’y figurent pas, non pas parce que c’est désiré mais pas réalisé. Il y a des activités que nous accomplissons, alors qu’elles ne sont pas signalées dans l’agenda.

 

Par exemple la lecture du journal d’un ami évêque au Liban comme il y a quelques jours :

 

“17h00 : J’ai présidé la Messe à la cathédrale Saint Etienne de Batroun avec les jeunes et familles du Mouvement Marial des Chevaliers de Marie. Puis je les ai accompagnés, avec les paroissiens, en procession dans les rues de Batroun pour l’ouverture de la crèche de Noël qu’ils ont préparée à l’entrée de la ville.

 

En méditant l’événement de la naissance du Baptiste, je conclue que la volonté du Seigneur doit être accomplie dans notre vie. Elisabeth et Zacharie ont transgressé la tradition de la famille pour accomplir la volonté de Dieu et appeler l’enfant Jean ! Dieu accomplit sa volonté en nous pour notre salut. Il reste à chacun de nous de discerner sa volonté dans notre vie et de s’y engager.

 

Quant à nous au Liban, je crois que Dieu Notre Père d’Amour infini veut que nous portions la croix avec son Fils Jésus jusqu’à la mort à nous-mêmes pour mériter avec Lui la résurrection !

+ Père Mounir Khairallah

  Evêque de Batroun” 

 

Puis je laisse traîner le regard sur les crèches de Noël en Pologne, une tradition de concours bien connue à Cracovie.

 

La tradition existe depuis le XIX siècle, lorsque le théâtre portatif des marionnettes servait pour raconter la naissance de Jésus à l’aide des figurines souvent sculptées en bois. Depuis se poursuit seulement la tradition de fabriquer les szopki, les décors matériels des représentations théâtrales. Un réflexe qui survit encore, surtout chez les retraités et chez les enfants dans les écoles primaires.

 

Est-ce le signe que la tradition vivante va bientôt se figer dans un décorum muséal. L’avenir va le montrer, à nous de savoir si Noël, fête de tous les enfants de la terre, y compris de ceux qui l’ayant été s’en souviennent et emboîtent le pas, sera encore un Noël anniversaire de naissance de Jésus, Dieu sauve, Emmanuel, Dieu avec nous.

 

Cela semble plus prometteur au Liban qu’en Pologne, et en France c’est comment ? Cela dépend de notre agenda, de ce que nous y mettons et de ce que nous vivons.

 

Bientôt Noël, bientôt nouvelle vie autour de nous car en nous.

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le père Kurowski a été hospitalisé suite à un malaise cardiaque, il n’a pu enregistrer le podcast . Toute la rédaction lui souhaite un prompt rétablissement. Vous pouvez lui écrire à info@lafrench.radio, nous lui transmettrons.

Image : La Nativité (Botticelli)