« Bonjour Rémy,

Pour info : Le pape François dit oui aux baptêmes pour les personnes transgenres »

Je viens de recevoir ce message.

Le pape François dit oui aux baptêmes

pour les personnes transgenres.

 

Alors que je m’apprêtais à finaliser un autre sujet, celui visant l’impact des médias sur notre manière de nous situer et penser le monde et notre place dedans, en songeant aussi sérieusement à écrire un autre sur la proposition du Président de la République française d’inscrire dans la constitution le droit à l’avortement, ce sera pour un peu plus tard.

Le thème sur les baptêmes des personnes transgenres et des enfants des couples homosexuels n’a pas eu besoin d’attendre, éminemment explosive et de plus grande importance pour l’Église catholique, cette décision colle parfaitement à l’actualité, dont le caractère croustillant plait beaucoup.

Ainsi est tracé le virage de 90 degrés pour élargir et orienter la qualité de l’accueil dont l’institution souffre, alors que la religion chrétienne, qui est la raison de l’existence de cette institution, se targue de reconnaître l’accueil (sous condition, j’y reviendrai) comme sien et que la foi, qui la génère, à son tour, par l’intermédiaire de l’institution, accueille une telle reconnaissance, tout en se laissant bousculer dans ce qu’elle peut avoir de préjugés prétendument fondés sur la foi. Ce qui tout au moins mérite nécessite d’être vue de près.

Ce qui peut s’avérer pour une part n’être qu’une simple réplique de convenances sociales, dont l’Église catholique, tout en les générant à sa façon, si non les renforçant, avait héritée et qui, en agissant ainsi compte poursuivre cette trajectoire, en se constituant encore le champion de sa défense.

Ausculter le changement d’attitude par les données de la foi, il n’y a pas mieux. Mais pas si simple pour autant ; désolé pour ceux qui cherchent des réponses simples aux réalités complexes, dont la richesse ne cessera de nous surprendre et mettre au défi de notre simplicité d’approche, tout en se gardant de simplifier, de façon outrageante, la vérité d’une telle complexité.

Une précipitation, sous la poussée médiatique, dans les annonces des solutions ou les atermoiements, sans vouloir les dissimuler, en montrant que l’on traîne les pieds, est toujours inappropriée du point de vue de l’intérêt pour la vérité dans l’amour.

Évidemment, ce raidissement de la discipline était imposé dès le départ du christianisme (cf. Saint Paul) à l’égard des minorités, si on y prêtait quelque attention surtout d’ordre moral, toutes considérées comme moralement condamnables. C’est un long chemin que parcourt le christianisme avec ses origines dans la foi du peuple d’Israël, dont elle a su respecter les règles, bien que chrétiennement aménagées, mais pas toujours suffisamment chrétiennement éclairées. Les efforts faits à l’égard des signes d’appartenances au peuple, désormais nouveau peuple (toujours peuple de Dieu) pour libérer de la contrainte alimentaire et charnelle (circoncision rituelle) n’ont pas été suivi par l’attitude à l’égard des minorités, dont il est question actuellement.

Est-ce uniquement faute de manque d’impulsion donnée par l’environnement qui l’aurait favorisée, comme ce fut le cas pour les interdits alimentaires et la circoncision que l’on avait abandonné par commodité, surtout à la faveur de la croissance numérique jusqu’à devenir présence exclusive des convertis du paganisme.

Ou, comme ce qui se passe dans le cas de l’égalité homme femme, dont saint Paul parle, maladroitement mais théologiquement de façon fondée : Homme et femme il est créa, du coup, femmes soyez soumises à vos maris comme l’Église est soumise au Christ, tel une épouse à son époux, tout en maintenant que dans le baptême désormais il n’y a plus ni juif ni grec, ni homme ni femme, ni esclave ou homme libre, car vous êtes tous un dans le Christ.

Comme aussi dans le cas de l’attitude à l’égard de l’esclavage, dont ce même Paul ne condamne pas la pratique, mais impulse une nouvelle attitude empreinte de respect pour tout être humain à cause de l’image de Dieu qui est en chacun. L’Église finira par admettre assez rapidement la non-conformité de la pratique de l’esclavage aboutissant à l’interdiction pure et simple de la pratique, et que l’Église dénonce avec vigueur sous quelque forme que ce soit, à plus forte raison actuellement.

Le chemin qui permet une telle évolution est celui de la distinction entre le pêcheur et le péché et étape suivante distinguer être le péché spirituel et “péché” social. Distinction entre le mal intrinsèque et le porteur de ce mal, entre la difficulté d’être comme tout le monde et inutile à la société. Les handicapés visibles, (la vieillesse en fait sans doute partie) sont les plus faciles à visualiser et pour cause.

Sans pour autant les qualifier de handicapés, le terme pour désigner de moins bons que ce qu’indique la norme, depuis quelques décennies le mot handicap, submergé par les critiques, a fini par couler au fond de notre mémoire de l’histoire commune se transformant en pièce d’archive (comme un insecte qui fait peur mis dans le formol) à ne retirer que pour mieux voir son caractère hideux et néfaste. Terme qui devient impropre voir malpropre pour toutes les catégories de personnes pas comme les autres, pas comme ceux qui parlent au nom de la majorité dite normale. De la sémantique à la pratique il y du chemin que chacun personnellement et collectivement doit faire.

Cela vaut pour tous ceux qui, parfois les mêmes, parfois encore d’autres, devenus tels pour la circonstance, sont qualifiés de boucs émissaires chargés d’une mission bien particulière, celle de devoir expier les péchés du peuple.

On mettra des guillemets au mot péché ou pas ce sera dans les effets la même chose. Sans guillemets cela signifie qu’on considère le péché dans sa dimension bel et bien spirituelle ; pratique connue dans l’histoire du peuple d’Israël, où on envoyait au désert un bouc ainsi chargé des péchés, pour qu’ainsi chargé il disparaisse à jamais. Alors qu’avec les guillemets cela signifie plutôt la dimension politique liée à la régulation des tensions dans la société : comment résoudre le problème ? En s’attaquant à une minorité désignée comme fautive. Et le tour est joué, jusqu’à la prochaine tension…etc.

On est loin de la notion de justice et à plus fort raison même celle du bouc émissaire de la Bible, qui jouait un rôle symbolique intermédiaire entre le sacrifice expiatoire par l’intermédiaire des animaux et la poursuite de l’identification entre le pêcheur (pauvre bouc) et le péché (comme si celui-ci avait besoin d’une incarnation comme tout mal et le malin lui-même en tête).

Revenons à la notion de minorité qui nous guide dans la réflexion sur admission aux baptêmes.

Est donc minoritaire celui qui ne cadre pas avec le modèle dominant considéré comme valable pour une pensée qui a besoin de simplifier pour que ce soit vendable, et peu importe les proportions numériques en comparaison avec ceux qui décident de suspendre, voire en finir avec l’existence des autres.

Cette machine à exclure était conçue, montée, mise en marche et soutenue dans son travail, à l’aide d’un éminent concours et sous une influence grandissante de l’Église qui, sur les décombres de la civilisation antique romaine, a su asseoir ses propres règles de vie en société.

Il y en a qui pensaient encore naguère, et sans doute maintenant, que cette fonction civilisatrice de l’Église doit continuer dans cette direction, ce qui ne sera pas sans tension qui nécessiterait la désignation d’un nouveau bouc émissaire pour la circonstance afin de diminuer la pression que crée la “confrontation” avec la société ambiante. Pas tant chez les auteurs d’une telle nouveauté, que chez les détracteurs, à la régulière, c’est à dire poursuivant les coupables en bon et due forme, suivant des interprétations immuables des règles bibliques, dont le caractère révélé, et donc immuable, ne peut qu’être attesté, avec force si besoin.

On est loin de l’invitation du pape à renouveler la théologie en revisitant les outils de langage (épistémologiques) et de méthode pour y chercher des réponses aux questions suscitées par l’évolution de la société en cours.

Avant de poursuivre, écoutons les médias qui annonce l’information sous forme d’un communiqué fait à l’occasion d’une interview et dans les médias qui s’en saisissent.

Mercredi 8 novembre, le Dicastère du Vatican pour la doctrine de la foi a publié un document, officiellement approuvé par le Saint-Père, qui stipule que les personnes transgenres peuvent être baptisées, tout comme les enfants des couples homosexuels. Une prise de position saluée par la presse progressiste internationale.

 

Courrier international

Publié le 10 novembre 2023 à 18h51 Lecture 1 min.

Pour le quotidien italien de gauche L’Unit à, il s’agit d’une “décision qui brise un tabou”, voire d’une « petite révolution ».

Mercredi 8 novembre, rapporte le Corriere della Sera, « sur le site web du Dicastère du Vatican pour la doctrine de la foi, ont été publiées les réponses du cardinal Víctor Manuel Fernández aux questions envoyées en juillet par un évêque brésilien ». Ces réponses, approuvées officiellement par le pape François, stipulent notamment ce qui suit.

Une personne transgenre, peut-on lire, « peut être baptisée aux mêmes conditions que les autres fidèles », à moins qu’il n’y ait « des situations qui risquent de provoquer un scandale public ou qui puissent désorienter les fidèles », relaye le quotidien milanais.

Une ouverture qui concerne aussi les rôles de parrain ou de marraine, qui selon cette nouvelle doctrine de l’Église, peuvent être également exercés par les personnes transgenres, toujours avec la réserve d’éviter les situations pouvant « provoquer un scandale ».

Enfin, le Saint-Siège affirme aussi ne pas voir d’inconvénient à ce qu’une personne transgenre recouvre le rôle de témoin de mariage. Plus loin, le cardinal Víctor Manuel Fernández précise aussi sans détour qu’un enfant d’un couple homosexuel peut recevoir le baptême.

« L’Église n’avait jamais dit ces choses »

Pour le journal centriste, ces prises de position de l’Église « sont cohérentes avec la trajectoire de François, mais l’Église n’avait jamais dit ces choses, noir sur blanc, d’une manière aussi explicite ».

Voilà sans doute la raison pour laquelle, de l’autre côté de l’Atlantique, The Washington Post se félicite lui aussi de ces annonces appuyées par le souverain pontife.

Et pour rendre compte des répercussions de celles-ci, le média américain donne la parole à Kori Pacyniak. L’homme, qui étudie l’expérience religieuse des catholiques transgenres à l’université de Californie, félicite François pour « essayer de transformer l’Église en un lieu plus accueillant », et, même si les progrès sont souvent très lents, « cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas célébrer les petits pas en cours de route ».

 

C’est une information qui au-delà de toute excitation qu’elle engendre, chez le lecteur que je suis, produit un étonnement, non pas celui de voir une incongruité pareille apparaître et être étalée sur les places publiques, mais celle de s’étonner de l’annonce. Comme si cela ne devait pas être ainsi depuis toujours et pour toujours. Je sais que je force les traits.

À ce détail près, que l’absence d’une telle reconnaissance était tout simplement liée à l’absence du sujet, en d’autres termes la question était résolue par la négative, tacite, par contumace, en absence des coupables qui se sont échappés, volatilisés dans les nuages chimériques d’une rêverie qu’il n’est surtout pas digne de prendre au sérieux.

Sauf que la réalité a bel et bien existé. Et ils ont réapparu sur le devant de la scène médiatique et ou parce que sociale.

 

Deux remarques préalables, la restriction mentionnée à appliquer est celle d’un scandale provoqué. Mais comment envisager qu’il en soit autrement, puisque le scandale est engendré comme réaction par un refus d’accepter une telle ouverture, donc un vœu pieux, à moins qu’il ne s’agisse de pratiquer une retenue dans la manière de célébrer un tel baptême, surtout quand il était désiré comme une manifestation ostentatoire de la victoire des ayants droit sur les forces obscures d’une institution qui commence à ouvrir timidement les yeux.

 

La seconde remarque porte sur la nécessité de distinguer les deux situations. Celle de baptême de transgenre le concerne directement (tout comme sa fonction de parrain ou témoin), or, le baptême des enfants d’un couple homosexuel ne concerne que les parents, alors que les enfants n’y sont pour rien. S’il y avait traditionnellement une retenue, un refus, finalement c’était au même titre que pour tout autre couple de parents dont on aurait une conviction étayée par les faits d’une incapacité à élever chrétiennement les enfants une fois baptisés. 

 

Et quid alors des baptêmes des homosexuels eux-mêmes ?

Mais on ne peut pas tout faire à la fois, déjà comme cela, il y a bien à réfléchir pour savoir comment intégrer ces ouvertures signifiées par le pape pour le plus grand bien de tous.

 

Aux arguments déjà présentés résumés par l’action de bouc émissaire et la cohérence d’éducation chrétienne, il convient d’ajouter celui-ci et qui est de taille, celui qui force à considérer l’identification entre l’épouse du Christ identifiée dans une situation normale, celle du chrétien qui vit dans une situation conforme avec la vision de la société héritée de la Bible, telle que l’on en a compris et dont on a mis en place une interprétation.

Comment représenter l’épouse vierge, pure, sans tache ni ride, alors qu’en font partie aussi ceux qui ne correspondent pas à cette image idéalisée que les pères de l’Églises nous ont transmis en tout bonne fois et avec une profondeur intrinsèque remarquable.

Certes on acceptait que cette épouse ait besoin, pas seulement des ablutions rituelles pour se laisser purifier une fois que les eaux du baptême ont lavé la souillure du péché originel, indigne comme elle le demeure, besoin de le refaire le plus souvent pour obtenir l’état de grâce lui permettant de pouvoir se présenter à son époux.

Mais avec les transgenres (etc) on entre dans une autre réalité constituée en catégorie à part, réalité jusqu’à présent considérée comme totalement incompatible avec l’image de l’épouse digne. Catégorie constituée de ceux qui atteints d’un mal incurable, d’une tache ineffaçable, d’une tare congénitale, que seulement le retour à la grâce sous condition d’une contrition parfaite pouvait momentanément faire oublier. Jusqu’à la prochaine rechute.

Accepter une telle présence c’est admettre sur le corps de l’Église comme épouse des tumeurs que rien ne peut guérir. C’est aussi la raison pour laquelle on n’admet pas à la communion tous ceux qui ne sont en état d’une telle grâce, tous ceux atteints durablement comme divorcés remariés.

Si les théologiens, dont la charge est, tel un conseil constitutionnel, de vérifier la compatibilité avec la foi, trouvent une solution facile, ne peut que jeter le soupçon sur la qualité des leurs conclusions.

Vu ainsi, effectivement pas d’espoir pour avancer.

Soit le pape est hérétique, soit il faut creuser dans les profondeurs de la foi pour il n’y trouver non pas les solutions au problème, ce qui serait synonyme d’une tactique indigne d’une attitude chrétienne, mais des ressources nouvelles, insoupçonnées car enfouies qu’aucun détecteur n’a pu constater la présence, alors que sous la poussée de la prise de conscience nouvelle de la société pour elle-même, cela interpelle toute religion, c’est à quoi l’Église ne peut donc se soustraire.

Prendre les choses à partir de la situation idéale et s’arrêter là où cela convient (les confessions et le vrai repentir suffisent), c’est rassurant pour garantir le maintien de la stabilité établie sur les règles correspondant aux exigences de la société d’alors et de la religion, car sans distinction possible entre les deux.

Le pape propose l’inversion du paradigme, un changement de méthode, partir de la rencontre pour arriver à amener à la Rencontre.

Dans certaines situations « va et ne pèche plus » ne fonctionne pas, en quoi la parole de Jésus est alors pour le moins incomplète, remise en cause dans son intégrité, au soupçon de la considérer comme presque invalidée ?

Si tu veux, suis-moi, mais le jeune homme avait des grands biens, et repartit tout triste, l’attitude de Jésus qui le laisse partir avec ses paroles, tout en respectant sa liberté remise au temps, le temps de mûrir la décision, à première vue confirme la radicalité indispensable pour le suivre.

Quid de cette radicalité dans le cas des transgenres et des homosexuels par exemple ?

Va-t-on sous la poussée sociale à l’attention aux minorités et à la lumière des sciences, qui sont formels sur le caractère inéluctable des attitudes et des comportements, accepter qu’aucune puissance divine ne semble pouvoir freiner.

Est-ce comme on le prétend souvent, une démission de la conscience morale, qui sous la poussée sociale de voir ce bouc émissaire, chargé comme elle le prétend de péché spirituel, est finalement identifié dans le bouc émissaire seulement le péché social, dont la société en autorégulatrice va s’absoudre et expier son propre péché social lui aussi, en changeant de regard et promettant une metanoia du cœur et de la pensée qui en découle.

On comprend la résistance de l’Église à l’égard d’une réduction du péché spirituel à la dimension du péché social qu’il est désormais facile de reconnaître socialement, car est en jeu la négation de la transcendance, dont elle va se défendre, pour mettre en valeur sa propre lecture. Il faudrait encore et encore beaucoup de bonne volonté et de la rigueur pour avancer dans cette précision des contours de ce qu’est le péché spirituel et ce qu’est le “péché” social.

 

La trajectoire impulsée par la Bible même, celle qui se dessine pour un croyant comme chemin de sanctification, laisse entrevoir un éloignement de plus en plus grand entre ses deux composantes de l’aspiration à la sainteté. La distinction entre le pêcheur et le péché appelle à préciser les deux séparément avant de les mettre en corrélation pour comprendre d’où vient la confusion et que sera le bénéfice en termes de liberté des considérés comme celle de théologiens désireux de travailler au service de la vérité révélée dans l’amour.

 

Requalifier la notion du péché dans certaines situations peut faire diminuer la responsabilité morale, ne dispense pas de la responsabilité spirituelle qui, comme pour tout autre chrétien, reste à charge des personnes concernées.

 

Autoriser des baptêmes de transgenre et des enfants “issus” des couples homosexuels, c’est une nouveauté disciplinaire (que les media, dans une simplification dont ils ont besoin pour se faire comprendre qualifient de doctrinale) celle de la gestion de l’institution Église qui ainsi n’oublie pas qu’elle est au service de tout homme, service qui s’origine dans la Rencontre, dont elle est marquée de manière indélébile et qui la conduit à la rencontre pour éventuellement conduire à la Rencontre.