Avez-vous déjà essayé de vous tester vous même pour savoir comment les gestes barrières sont respectés? Je ne parle pas des cas d’obstruction volontaire à la loi qui les imposent et qu’alors la conscience expulse, dont résulte le refus effectif qui peut en prime s’accompagner d’une attitude entre ignorance et mépris. 

Je ne parle pas non plus de la légitimité de savoir s’ils sont oui ou non à respecter du point de vue purement formel, législatif. Et par la même je n’entre pas d’avantage dans le débat sur le plan légaliste qui se joue par l’attitude où l’obéissance doit être toujours le résultat d’une implacable autorité qui s’exerce pour les biens de ceux qui y sont soumis, et où la seule et unique issue est la soumission selon le principe dura lex sed lex. 

Ce qui m’intéresse ici c’est notre capacité d’y obéir à partir du moment où nous avons déjà consciemment intégré la nécessité de nous y soumettre.

Un jour j’ai testé cette capacité réelle d’obéissance à la loi que j’avais intériorisée comme importante pour ma santé et celle de mon entourage. Et grosso modo j’ai dû comptabiliser jusqu’à vingt fois le nombre d’infractions toujours involontaires ainsi commises. 

Cela rend peu fier de se voir aussi soumis aux aléas du moment plutôt que constater la traduction dans les faits du respect d’une telle contrainte. Plusieurs facteurs sans doute sont dûs à cela. Mais tous se résument par le constat d’un rapport faible entre la loi et la mémoire. Est-ce en redoutant une telle faiblesse que je l’avais fait? 

Sans doute, car j’avais déjà été alerté sur la difficulté de m’en souvenir; combien de fois je suis revenu pour prendre le masque. Toutes les distractions du moment démontrent leur peu d’enracinement dans la volonté d’agir à tout moment quand c’est nécessaire. 

Je sens que vous êtes en train de vous interroger sur la valeur coercitive d’une telle intégration. Au point qu’il en serait question d’un automatisme plutôt que d’une action librement assumée. Et cela s’appellerait de l’endoctrinement à votre insu. Le fait de vouloir apprendre, voire inculquer des gestes barrières peut frôler l’attitude de dressage. 

Généralement le terme un peu vieilli ‘inculquer’ s’applique aux humains et celui de dressage à coup sûr aux animaux. Pour bien les distinguer, faut-il encore voir pas seulement la différence, mais aussi la similitude, car c’est la similitude qui renseigne sur le respect et, la différence, renseigne sur les raisons du respect de la différence. Et là, nous sommes face à la perspective anthropologique de la vision de ce qu’un être humain et de ce que sont les autres êtres vivants, ce qu’est l’existant animé.

En effet, le chaînon manquant dans la chaîne de transmission dans le cas d’une pédagogie, -le mot traditionnellement appliqué à l’éducation humaine- entre le désir et l’action est celui de la liberté. La volonté librement consentante ce n’est pas la même chose que la liberté sous tension au point d’être opprimée avant d’être supprimée. 

Quelles sont alors les moyens de pouvoir arriver au résultat désiré sans pour autant supprimer le libre arbitre qui n’est pas à confondre avec le consentement plus ou moins librement obtenu. Certes l’enfant qui n’a pas la capacité de comprendre totalement tous les enjeux, est parfois soumis à une situation de pression où il ne comprend pas, et pourtant… 

Même si le devoir de lui expliquer à son niveau s’impose pour l’accompagner dans sa croissance. Et que lui dire seulement “plus tard tu comprendras” ne sert strictement à rien. Sauf à constituer le dossier des griefs qu’il va sortir plus tard lors de son accession plus complète au savoir en se parant des attributs d’un être adulte capable de s’assumer. 

Le seul cas de figure où “plus tard tu comprendras” peut avoir du sens, c’est lorsque ceci est dit dans un état de confiance absolu, que l’amour seul peut générer. Mais un tel gage de l’avenir ne fonctionne pas pour toutes les situations possibles et imaginables. Il ne peut que s’appliquer uniquement à la situation envisagée dans une perspective “spirituelle”. 

“Plus tard tu comprendras” du peuple d’Israël dans la Bible s’accompagne toujours du “souviens toi”. Shema Israël est la prière quotidienne du juif, le rappel des paroles de Moïse. C’est dans le Livre de Deutéronome, chapitre 4, 1-9 : 

“Et maintenant, Israël, écoute les lois et les coutumes que je vous apprends moi-même à mettre en pratique; ainsi vous vivrez et vous entrerez prendre possession du pays que le Seigneur vous donne…. Vous avez vu de vos yeux ce que le Seigneur a fait…Mais prends garde à toi, garde-toi bien d’oublier les choses que tu as vues de tes yeux; tous les jours de ta vie, qu’elles ne sortent pas de ton coeur. Tu les fera connaître à tes fils et tes petits fils.” 

Le souvenir d’un passé, qui a vu naître l’identité de ce peuple, se laisse côtoyer par le passé très récent qui en garde toujours la mémoire vive. Mais comme dans le passé, dans le présent de celui qui entend “souviens-toi”, il y a un besoin de bien nettoyer, non seulement les oreilles, mais aussi le coeur et jusqu’à l’âme. C’est un passage par la purification, le nettoyage en profondeur des tréfonds de l’être pour y voir plus clair la sainteté de Dieu qui s’y reflète de façon si désirée par Dieu et y rejoint par l’homme croyant. 

En fait, ce n’est pas un détergent corrosif qui y est déversé, c’est de la douceur du pardon d’amour qui transforme encore en mieux. Dans tout ce processus la liberté consentante est toujours sollicitée avec la même nécessité et avec la même délicatesse. 

Si sur le plan technique on doit comprendre pour intégrer le process, c’est la liberté cognitive extérieure qui y est sollicitée. Cette liberté cognitive extérieure, elle est à comprendre dans le sens d’être consciente pas seulement des enjeux mais aussi du processus qui les démontre. D’une certaine manière elle s’applique aussi à la vie spirituelle, mais qui en plus comporte en elle une autre volonté. Celle de vouloir y aller sans savoir où concrètement cela va conduire et par quel chemin, sans pour autant si toutefois ceci semble acquis, justement douter de la finalité. 

Dans le cas de la vie spirituelle, la liberté cognitive extérieure qui cherche à comprendre pour croire s’accompagne d’un processus inverse celui de la liberté cognitive intérieure grâce à laquelle on cherche à croire pour comprendre. A partir de là, il faut donc vérifier les étapes pour instaurer la chaîne de confiance jusqu’à la loi sur les gestes barrières.

Je cherche à comprendre les raisons des gestes barrières pour croire que la vie y compris physique est à préserver en moi et autour de moi. Je crois en cet appel au respect de toute vie qui porte les traces de ses origines lointaines et si proches à la fois. J’y crois pour comprendre un jour tout ce que je n’ai toujours pas compris et seulement dans la foi que j’accepte “plus tard tu comprendras”. Pour le reste je m’en remets à mon fleur de survie et ses avatars, mais je les connecte avec ce que je ne vois pas et ne comprends pas. 

Je vous promets demain je refais le teste des gestes barrières pour voir ce que cette méditation que je vous propose m’a fait vivre et comprendre.      

                                                                  

J’allais oublier et pour les gestes barrière spirituels c’est comment ? Mais c’est sûrement pour une autre fois.

on dimanche avec tout cela.