Dans ce temps de pandémie qui change tant de choses, les études se multiplient, c’est une aubaine pour les sondages d’opinion et les instituts d’études de comportement de la vie individuelle et collective, sociale…, à tout niveau.

Toutes ses études participent d’un mouvement qui accompagne la pandémie. 

Les uns scrutent le comportement de la bourse, d’autres celui des animaux sauvages. Les uns sont friands de savoir qui des personnalités politiques ou du show business est déjà atteint de virus et qui ne l’est pas encore.

Alors que d’autres sont préoccupés du sort des migrants dont la barque s’alourdit avec le Covid-19 et rend l’exil et sa traversée encore plus périlleux. 

Les uns étudient l’impact de la nourriture sur la résistance du corps, alors que d’autres scrutent de près les espérances du vaccin tout proche d’atteindre son but. 

Le chômage à la hausse et le PIB à la baisse, la dette publique à la hausse et le moral des ménages à la baisse. Il y a des chiffres que l’on exhibe ou alors on les cache un peu honteusement comme le nombre d’infectés, de morts de covid etc.  

Si l’adjectif “honteusement” est justifié, car décrivant la réalité, c’est plutôt un bon signe qui démontre que ceux qui en sont porteurs ont encore un zeste de conscience morale.

Et si par exemple les statistiques sur le nombre de morts par covid étaient mises en parallèle avec celles obtenues sur le nombre de suicides, l’on aurait vu l’augmentation nette de ces derniers. Mais le faire savoir n’est pas vraiment décent et c’est surtout contre-productif. Aucun intérêt à les étaler dans les médias classiques ni sur les réseaux sociaux. On ne va pas tout de même ajouter à l’angoisse de la mort déjà si omniprésente un décompte macabre de la sorte. 

Sonder, scruter les comportements pour voir ou ne pas vouloir voir les conséquences, les pourvoyeurs des chiffres et des lettres qui accompagnent de tels décomptes et qui les décrivent peuvent se frotter les mains, ils ne seront pas au chômage d’aussi tôt. La liste des situations et des angles sous lesquels on pourrait regarder la pandémie est tellement longue qu’à elle seule, il aurait suffit d’avoir de quoi remplir le contenu d’un article. Tel n’est pas mon but. 

Après cette évocation des certains centres d’intérêts des statisticiens en tout genre, je voudrais me concentrer sur un seul phénomène que la pandémie fait apparaître bien particulièrement. Il s’agit de la place du père dans la famille. Vaste sujet abordé et débattu depuis bien longtemps, mais qui, elle aussi, dans le contexte pandémique reçoit une appréciation nouvelle. 

Etude menée en Pologne par un institut de recherche Tato.Net (tato en polonais veut dire papa) en collaboration avec le ministère de la famille et de l’éducation civique. 

Personnellement, je ne crois pas qu’il y ait une collusion entre la sociologie et la politique, tout au moins au niveau factuel. Même si on le sait par ailleurs, car c’est un fait, l’usage des chiffres qui en est fait par les responsables politiques est toujours intéressé, car assujetti à la vision qu’un système politique, quel qu’il soit, tend à promouvoir. 

C’est aux spécialistes de fournir les données de façon modélisée certes, mais reflétant au plus près la réalité chiffrable en termes statistiques. C’est aux politiques de les interpréter pour donner des indications sur les actions à promouvoir. Et à chacun de savoir comment faire la différence et comment s’y situer. La foi chrétienne donne comme repère le bien commun.

Je ne crois pas non plus que les résultats obtenus en Pologne diffèrent substantiellement de ceux qui seraient obtenus dans d’autres pays d’Europe par exemple, dont par ailleurs je n’ai pas la connaissance.

Après cette double précaution sur l’utilisation intéressée des données statistiques et sur la valeur de comparaison faite dans le but à rester factuel voici les résultats.

Durant la pandémie, 60% des pères passent davantage de temps avec leurs enfants et dans presque la moitié de cas ce temps était bénéfique pour améliorer les relations familiales. 

C’est peu et c’est beaucoup, mais ce qui m’intéresse aujourd’hui c’est de savoir comment les nouvelles conditions de vie provoquent un changement positif dans le comportement des pères. Pour ce qui est de la face sombre des relations familiales et surtout celle de la place du père, car la pandémie dans ce domaine a eu aussi des effets néfastes pour ne pas dire parfois destructeurs liés aux circonstances tragiques dans certains milieux, c’est probablement pour une autre fois.

L’étude démontre les chances et les défis que la pandémie constitue pour les pères. Évidemment cette relation particulière entre les pères et leurs enfants s’inscrit dans l’ensemble des données à prendre en compte. Ces données portent sur le temps, le travail et le loisir qui se déroulent désormais majoritairement en famille, à la maison. 

La pandémie modifie la société dans son ensemble. S’est accélérée l’évolution dans le mode de travail, d’études, dans les habitudes et les relations. Mais en première ligne de l’évolution se trouve la vie familiale sur laquelle se sont concentrées les attentes et les peurs. 

Comment tenir dans une ambiance d’insécurité de travail, d’études, de vie relationnelle…. De fait, lorsque les activités se déroulent “à huit clos” à l’intérieur des maisons, par une telle concentration d’attention sur la vie familiale, le regard sur elle se modifie et demande une nouvelle répartition des forces qui la composent. 

La famille étant devenue le centre de vie de ses membres, il fallait faire harmoniser les exigences de la vie en famille, en y intégrant le travail des parents et des enfants, sans oublier le loisir et la détente en des proportions accrues par rapport à la situation d’avant. 

Voir le père s’investir dans le suivi éducatif en général et scolaire de ses enfants en particulier ne peut être que bénéfique et renforce sa place au combien complémentaire par rapport à celui de la mère. Et passer du temps ensemble à ne rien faire, pardon à faire du sport, discuter, bricoler, faire la cuisine. Comme Saint Joseph était un excellent charpentier, les pères modernes peuvent souvent être d’excellents cuisiniers, pas seulement en France, où cela est bien connu. 

La fonction éducative du père est accrue durant cette période de pandémie. Il est davantage présent à la maison. À cette occasion, il découvre ce que son épouse vit au quotidien et peu importe si d’ordinaire elle reste à la maison pour s’occuper de la famille ou exerce un métier rémunéré. 

Il peut apprécier le rôle de son épouse de façon plus juste, car désormais ajusté à cause de sa propre expérience. Il peut mieux percevoir l’engagement de la mère et de tous ceux qui veillent fidèlement sur le développement physique, intellectuel, humain et spirituel de sa progéniture.

Il a désormais une meilleure connaissance de la situation et de ce que son ou ses enfants vivent réellement et ce qu’ils attendent de lui. Car les enfants attendent de lui qu’il soit une boussole, un guide, un poteau indicateur, un initiateur, un instructeur, un formateur, un déchiffreur, un défricheur… 

Il est attendu comme un sacré meneur qui un jour se laissera devancer par eux et leur souhaitera bon vol. Le vol que pour le moment ils font dans les cadres des simulateurs du cocooning familial plus ou moins douillet, mais toujours protégés, rassurés, encouragés. Il s’exerce à veiller sur eux, plutôt qu’à les surveiller, ils sentent que l’on veille sur eux, ils sont veillés plutôt que surveillés.  

Lorsqu’il était très souvent entre deux avions, comme c’est le cas de si nombreux pères (et mères aussi par ailleurs, on ne l’oublie pas, mais c’est pour une autre fois aussi), il pensait, souvent de concert avec son épouse, que la qualité du temps passé avec les enfants était supérieure à la durée du temps que les enfants attendaient, mais que, objectivement, il ne pouvait pas donner. 

Ceci est formellement démenti, et pas seulement maintenant. Passer plus de temps avec ses enfants, sans les étouffer bien sûr, est bénéfique. Car si le temps court passé ensemble a aussi sa valeur, ce mieux que rien, la qualité du temps passé se mesure aussi à sa durée. 

Comme me le disait déjà bien avant la pandémie un garçon, “je m’en f… de l’argent que mon père gagne, ce que je veux, ce qu’il soit avec moi”. C’est un cri de cœur, que je ne suis pas prêt d’oublier. Je le répercute à d’autres pères, y compris moi-même, car je m’en considère comme un, sur le plan certes bien particulier, mais pas moins réel, ce qui engage et rend responsable. 

Le pape François a proclamé cette année 2021 comme année de saint Joseph, 150 ans après la proclamation de saint Joseph comme patron universel de l’Église faite par un de ses prédécesseurs. 

En saint Joseph nous pouvons avoir un modèle que la religion chrétienne nous fournit. Saint Joseph a passé beaucoup de temps avec son fils dans l’atelier pour lui transmettre certes le savoir-faire d’un métier. Mais surtout un savoir vivre, une telle transmission suppose le temps et l’exemple. Même si pour Jésus le métier de charpentier n’était pas une vocation principale, il en a sûrement beaucoup reçu.