Audio sculptée, ou sur l’art de transformer votre voix et pas seulement la voix. En guise de vœux de bonheur, santé et bonne humeur, en début de cette nouvelle année civile, à l’occidentale, une méditation qui à la fois nous projette sur le proche futur et en même temps nous renvoie à nos fondamentaux liés à nos sens qui demeurent des vecteurs de nos relations.

Nous sommes à l’ère de technologies qui s’invitent dans notre espace et transforment notre environnement. Les transhumanistes avec leurs propositions d’augmenter les capacités humaines font partie d’un futur qui frappe aux portes de notre quotidien. 

Nous, et surtout les générations qui peuplent le monde dès aujourd’hui pour y être acteurs actifs de telles transformations de demain, on n’a pas fini de découvrir ce dont l’esprit humain est capable. Sa capacité d’adaptation aux circonstances nouvelles s’inscrit dans son génie d’innover et repousse toujours plus loin les limites de notre existence. 

La mort et la souffrance résistent le plus, mais l’homme moderne plus que jamais se croit capable de s’y attaquer aussi. En ce qui concerne la souffrance, du point de vue purement humain et spirituel chrétien, il semble bien légitime de la faire diminuer au maximum. On consent à son strict minimum, celui que l’on a pas réussi à éradiquer totalement. Dans certains pays, la lutte contre le virus actuel s’inscrit dans cette logique.

Dans sa résistance à être totalement éradiquée, la souffrance est intégrée dans le processus de maturation de l’être humain qui, touché par elle souvent déchante, car cela n’enchante personne, mais dont pour une part parfois même décisive on reconnaît le bénéfice après coup.  

Pour ce qui est de la mort, c’est un peu différent. Rêver d’un paradis sur terre fait partie du programme de certains courants de pensée, voire idéologies. Tous les Faust sortis du cortex agile de l’esprit humain en nourrissent de tels rêves. Il en reste à valider le procédé, pense-t-on, mais surtout il restera à prouver une telle victoire dans la durée. 

Aujourd’hui, quelques jours après Noël où nous avons célébré et médité sur le mystère de l’incarnation du Fils de Dieu, nous restons seulement avec une partie de nous-même, mais qui est la plus particulière pour notre espèce. Ce n’est pas la voix qui est cette particularité. 

C’est la parole, cette capacité intelligible de se dire et de dire le monde dans un jeu grammairien de communication. Dieu lui-même semble procéder ainsi en se livrant d’abord dans sa Parole, puis dans son fils, Parole incarnée, verbe fait chair.

Le verbe s’est fait chair, nous l’avons donc médité à l’occasion de Noël. Comment la voix divine se manifeste-t-elle. Est-ce un son propre, une vibration, un écho ou en direct, semblable à la nôtre ou bien différente? Et comment peut-on la capter? 

Ce n’est pas d’aujourd’hui que date l’intérêt chrétien pour le son et son message. Depuis les premiers signaux enregistrés par les destinataires, tel Abram ou Moïse, on s’y intéresse de plus près. On s’y intéresse, mais moins sur la matérialité et la technicité d’une telle manière de s’exprimer et de communiquer que sur le sens et le message ainsi porté. 

La technicité qui nous environne par la force de choses fait déplacer l’accent du contenu vers le contenant. Dans cette manière très technique d’envisager la vie, presque tout est jugé à l’aune d’une telle approche où prime le quantifiable et donc mesurable. Il prime sur le mystère de la vie supposé existant par les religions et qui de plus est accueillie dans la liberté, donc de façon variable. 

C’est de plus en plus dans la profondeur de l’être humain que pénètre la technicité pour accoucher d’une nouvelle conscience, celle de constater que le ciel tant attendu, n’y est pas. Pas plus que chez Gagarine ou Staline, ou encore Mao. 

Mais restons avec notre technicité qui touche à la voix et qui peut être aussi considérée comme un fond de commerce pour devenir une source de revenus nouveaux, substantiels et / ou supplémentaires. Voyons comment la modification du son de notre voix nous modifie nous mêmes, car par delà la sonorité ainsi transformée, c’est dans notre être profond ainsi touchée que la sonorité en est une résonance, elle résonne de nous même. 

C’est la source de nous même qui est touchée, le noyau dur, ou en prenant une autre image oxymore, au contraire, une source, cet espace bien flou, une sorte de liquide, tel un magma primaire qui bout toujours sous la croûte de notre écorce d’épiderme.

Les modifications des voix naturelles et leur mixage avec les voix artificielles est une nouvelle activité économique. Au point que l’on ne sait plus où placer la ou plutôt les frontières entre la nature et ses artifices.

Qu’en est-il donc de nous-mêmes dans une telle résonance? Sommes-nous touchés dans notre essence même, un peu comme ce que l’on craint avec la nouvelle génération des vaccins qui ont pour fonction d’agir sur l’ADN.

Cette transformation est vraie pour tous les sons que l’on peut capter dans la nature et dans ce que l’homme a toujours produit grâce à ses innombrables inventions depuis les bruits venant du frottement des chaînes sur le braquet d’un vélo jusqu’aux chaînes d’esclavage de tous les Misérables.

La voix naturelle de votre voix peut être clonée et même traduite dans d’autres langues. Ce service comme bien d’autres enrichit les rayons des supermarchés du futur. Il vous est offert comme produit dérivé certes, mais un produit amélioré qui se présente comme une offre sur le marché de la consommation aux revenus bien prometteurs. 

C’est de l’humanité augmentée qu’il y est question, rappelons-le, ce concept qui intègre l’assistance du corps et de l’esprit humain par les nouveaux moyens techniques. On y va avec tous les G: 5, 6, 7 etc.

La force de muscles, la mémoire, la rapidité de décision et d’action, le mental d’acier, pas de sentiments. Le mot d’ordre est donné, il est aussi bien accueilli, accueilli avec ébahissement, au risque de l’être aussi avec hébétude.   

Tout y est tourné vers l’efficacité en vue de la jouissance par domination. Qui oserait contredire cela, et surtout contrefaire cette tendance bien naturelle de l’humain sans une référence supérieure à lui-même. 

L’esprit chrétien exerce une fonction de veilleur, attentif aux apports des sciences naturelles à qui revient, y compris de droit divin, de repousser les frontières des savoirs. Et ainsi à élargir les espaces de consciences de ce qu’est le monde et de ce qu’est l’homme qui s’y meut comme à la fois acteur, sujet relationnel et objet avec sa finitude parmi d’autres objets en cours de périssabilité. 

L’esprit chrétien ne s’oppose pas à la nouveauté technique pour améliorer les conditions de vie individuelle et collective. Mais il s’oppose à toute sorte de domination de l’homme par l’homme. Il s’oppose à toutes les structures du mal, qui peuvent ainsi s’y mettre si on n’y prend pas garde. 

Or, c’est à une telle domination que conduit inévitablement, rappelons-le, l’absence de Dieu comme instance régulatrice des rapports inter humains. Nous pouvons être pas trop mal entre nous sans lui. Mais avec lui nous avons le devoir d’être une humanité augmentée à partir de la dimension spirituelle.

L’Intelligence artificielle se rapproche de la réalité et la corrige. C’est vrai en génétique, c’était déjà vrai dans les transformations de la matière première. Comment se situe alors le son détecté par l’ouïe par rapport à d’autres sens qui nous permettent de communiquer avec l’extérieur en nous livrant et nous dévoilant aux autres et à cette occasion à nous-mêmes? 

Après le travail sur l’image, voici donc le travail sur le son. Son et lumière, les frères Lumières en constituent les fondations. Jean-Michel Jarre en a fait une démonstration artistique éclatante et les concepteurs du musée souterrain du Hogarth en Tasmanie (made in France aussi) en ont fait un lightmotive de visite touristique futuriste dans le ventre de la terre où tout semble pouvoir être stocké et ainsi transformé, comme dans un paradis caché, invisible de l’extérieur.

En plus de l’image, les capacités gustatives sont déjà si bien développées en nous. La grande gastronomie et les recettes de grand-mères se faisant une douce concurrence pour le bonheur de tous les palais. Les papilles gustatives nous maintiennent aussi en état de veille, en nous protégeant des poisons divers que la bouche détecte à 99,99 %.

Pour ce qui est de l’odorat, c’est un peu plus subtile, car ceci est lié à notre avancée civilisationnelle. Les capacités olfactives y sont développées surtout pour le compte de dites bonnes odeurs dont les promoteurs de produits de beauté se font les champions. Pour tout ce qui est des odeurs dites mauvaises, c’est l’omerta générale, un silence gênant s’installe pour chasser même leur mauvais souvenir. 

C’est comme pour chasser les virus de nos mains en y appliquant des produits qui, en attendant de pouvoir tuer le virus potentiellement présent, enlèvent la protection naturelle de notre épiderme composé pour l’essentiel des êtres vivants semblables. À la différence près, que ces derniers ne colonisent pas notre peau, avant tout uniquement pour le pire, mais surtout pour le meilleur de nos vies. 

Mais il n’y a jamais rien sans rien, et dans les conséquences, il faut toujours choisir le moindre mal. Faut-il encore savoir comment cela favorise le plus grand bien. L’hygiène accrue des mains protège non seulement de virus, mais aussi des autres maux ‘gastroïdaux’ si bien présents naguère.

Or, les mauvaises odeurs, pour ne rester qu’avec elles, ont aussi une fonction naturelle pour nous informer de notre état de santé. Une chose est de faire l’apologie de la crasse, une autre est celle d’essayer des voies nouvelles comme nous assumons actuellement la transition écologique (ou écologiquement) d’un monde vers un autre. Et la pandémie nous y pousse par la pensée et sûrement bientôt par les actions.

Il ne nous faut, non seulement perdre ni la bonne vue sur la réalité, ni la bonne ouïe sur les résonances que cette réalité nous donne à ressentir. Ni à nous trouver privés de l’odorat pour sentir le parfum qui crée l’ambiance olfactive.  

Surtout en ce moment où la perte de l’odorat est un des premiers symptômes de l’infection par le virus qui nous court après. Nous avons besoin de tous nos sens pour avoir une vie équilibrée, dans le cas de la défaillance. Pour pallier un tel manque, le besoin de compensation se traduit par une action solidaire entre les différents sens, comme si l’ouïe disait à la vue je vois et le toucher à la bouche je parle.

Tous les sens sont convoqués, et dans cette période de pandémie plus particulièrement, le parent pauvre devient le toucher. Depuis ne touches pas à mon pote dans la vie sociale et non toccare dans les musées, s’ajoutent les restrictions imposant la distanciation sociale liées au soupçon que mon prochain, mon semblable soit un pestiféré. Il peut être une menace suprême pour ma sécurité que du coup je transforme presque naturellement en sentiment et besoin de tranquillité qui sont ainsi troublés, alors que ce à quoi j’aspire du fond de mon être. 

La distanciation sociale et l’impossibilité de voyager sont remplacées par les contacts virtuels. Les tactiles souffrent plus que d’autres, mais tous en pâtissent. Virtuel devient aussi le contact avec la souffrance bloquée par une anesthésie de contact. Cette anesthésie de contact qu’administrait mon dentiste avant de faire des forages curatifs. J’ai encore dans les oreilles sa voix qui mélangeait la certitude de constat avec le devoir de rassurer.

Ce que la technique permet, la sagesse doit l’accueillir en lui donnant des contours d’un habit de l’homme moderne. Aux sons de marteaux piqueurs se mélangent les sons des sirènes, au son de l’oiseau Lyre les sons de tronçonneuses et des bottes des soldats. 

Nouvelle humanité est en marche, reste encore à savoir ce qui restera de l’humanité dans cette nouveauté. Les bons souvenirs vont-ils suffir pour nourrir la nostalgie salutaire. La nostalgie ainsi entretenue suffira-t-elle? Tout dépend de savoir quel son de cloche on sera capable d’entendre et comment cela va nous transformer. 

Le Verbe s’est fait chair, la parole de Dieu devient bien plus qu’une vibration agréable à l’oreille. La Parole de Dieu devient comme un impératif d’agir dans ce monde qui, bien que agité, sommeille sans se soucier même de son propre lendemain. Lorsqu’elle est douce et agréable, la voix authentique devient porteuse d’une parole de vérité qu’il est bon d’entendre. 

Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. Les sons de cloches des églises de nos enfances, telles les piqûres de contact, nous éveillent pour une sortie de somnolence.

Bonne année pour tous nos printemps.