Les vacances bientôt, tous les sens sont en éveil.
Changer de routine, entrer dans un rapport plus apaisé avec son corps, lui faire comprendre que l’on s’occupe de lui, à bon escient.
C’est aussi cela les vacances. Et pourtant ce n’est pas toujours la fête.
Il suffit de penser aux restrictions “covidiennes”, la quarantaine par-ci, le masque presque toujours, la séparation géographique avec nos proches etc. On a du mal à se consoler par des proclamations à caractère virtuelles du type : je t’embrasse, sans pourtant pouvoir serrer l’autre dans ses bras.
“Comment ça va ?” si galvaudé, et son équivalent anglais ou allemand ne sont guère mieux. Même du polonais “jak sie masz ?” ou encore “co słychać?”, quoi de neuf?, rien n’est vraiment satisfaisant dans le domaine de l’odorat humain et spirituel.
Il faudrait recourir au russe “kak tshwustwujesz ?” Comment vous sentez-vous ? Mais la traduction amène immédiatement sur le terrain d’attention digne d’un dialogue médical, celui du médecin qui vient voir un patient lors de sa visite matinale et routinière à l’hôpital et constate qu’il est encore en vie. Tout ceci peut déjà être réconfortant, mais ce n’est pas vraiment satisfaisant.
En russe l’expression garde toute sa charge affective, dans le sens de prendre soin réellement de celui à qui on pose la question. La disponibilité d’action parce que la disponibilité de cœur. C’est le sens premier d’une telle question, en qualité d’un point d’accroche relationnel. Mais toutes les formules peuvent être usées car usitées, perdant de la saveur originelle du contexte qui les a vu naître, dont on n’a finalement aucun souvenir, ni franchement l’utilité.
En mandarin et en cantonais on va tout droit à l’estomac : ni chil ma ? Est-ce que tu as mangé, cela rend compte d’une autre préoccupation majeure, principale. Cependant, tout comme en russe, elle comporte aussi cette affection et ce souci de l’autre qui sont bien présents dans sa charge affective, que l’on ressent si peu dans les formules équivalentes occidentales.
As-tu bien mangé ? Cependant, elle-même, aujourd’hui cette formule devient de plus en plus désuète, et demande à être remplacée par une autre, mieux adaptée à la vie réelle. Peut-être ce serait : est-ce que vous êtes heureux. Et la réponse, suivant l’horizon envisagé, serait de faire par exemple, oui, car j’ai beaucoup d’argent, oui, car j’ai la santé, oui, car les autres sont heureux.
Mais aussi, oui, parce que je réalise ma vocation humaine et spirituelle. Nous y voilà, au rendez-vous avec la vocation humaine. Une question aussi anodine et sans enjeu apparent peut porter dans sa charge symbolique une telle ramification et un tel enracinement.
Comment ça va ? Comme-ci, comme ça, comme dans la chanson. Et c’est vrai pour notre être profond et la manière de s’accomplir dans la vocation qui lui est propre. Vocation que d’autres appelleraient la destinée. C’est ma destinée, un air d’une autre chanson me revient aux oreilles.
Renouer avec soi-même et avec les autres, de telles formules toutes simples peuvent y conduire, susciter et épanouir un tel désir. Derrière de telles formules il y a de la vie. A chacun de savoir de quelle vie il s’agit et quelle intensité on y met pour la communiquer.
Rééduquer les sens, signe majeur d’une bonne santé. Le toucher, la vue…. Et l’odorat. Parlons-en, de l’odorat. C’est le sens qui est le plus malmené, qui est le plus altéré. En le disant je ne suis pas en train de faire l’apologie des malodorants. J’introduis seulement dans le thème dont j’ai donné pour titre: Sentir en chrétien.
Commençons par une citation
“Chers amis,
Lucie, une amie retraitée, a été diagnostiquée positive au coronavirus en janvier dernier. Elle s’en est sortie sans trop de dommages, mais n’a pas échappé à la perte du goût et de l’odorat. Ce petit désagrément lui est apparu comme bien léger.
Au début…Car cinq mois plus tard, elle n’a toujours pas récupéré ces fonctions essentielles. La voilà aujourd’hui apparemment en pleine santé et pourtant victime d’une sévère dépression. Au point qu’elle m’a un jour dit cette phrase terrible : « A quoi bon vivre dans ces conditions ? »
De nombreux Français sont comme Lucie. Et cela se comprend, le goût et l’odorat sont deux sens qui en disent long sur notre état de santé. Voici comment les rééduquer pour retrouver tout le goût de la vie…
À bientôt, Laurent des éditions Nouvelle Page”.
La lettre est bien plus longue, comportant des passages sur la manière pratique de procéder à la rééducation de nos sens. Mais l’essentiel de ce qui m’intéresse est dit dans la partie citée. Ou presque.
Des informations de ce type, nous en recevons régulièrement. Un des premiers symptômes du virus du covid est cette fâcheuse perte d’odorat. Même si apparemment rien de grave, cela peut conduire à des conséquences bien plus inquiétantes, comme dans le cas de Lucie.
Personnellement je suis sensible à cette question par le fait d’avoir été privé de l’odorat durant plusieurs années. Sans pour autant avoir ressenti des effets néfastes comparables à notre lectrice des éditions Nouvelle Page.
Une gêne pourtant s’était fait ressentir dans mes repères. J’ai perdu l’odorat après avoir été opéré des sinus infectés régulièrement. Désormais, j’ai gagné en fluidité nasale, mais perdu en capacité olfactive.
Sans regretter le premier, j’avais à attendre le retour du second. C’est revenu à la normale, mais cela prend du temps et en attendant déstabilise un peu, parfois beaucoup voir comme chez Lucie en question à la folie.
Je reprends l’explication docte de Laurent qui introduit dans le thème de sentir en chrétien…
“Le goût et l’odorat : signes majeurs de bonne santé.
Pour illustrer à quel point avoir l’odorat et le goût aiguisés sont signe de bonne santé, je me réfère à une étude* qui expose de façon claire que leur dysfonctionnement est un vrai signal d’alerte.
Tout d’abord lorsque ces deux sens s’amenuisent, c’est que notre organisme commence à vieillir. 10 % des personnes de plus de 65 ans présentent un dysfonctionnement olfactif, allant d’une légère perte à l’anosmie. Passé 80 ans, 62 à 80% des personnes sont touchées par ce phénomène.”
C’est donc sérieux sur le plan médical et il est important de s’en préoccuper.
Cependant mon propos, loin de négliger cet aspect purement physique corporel, va dans la direction relationnelle et spirituelle.
Non pas à la nourriture et ses émanations odorantes qui aiguisent l’appétit et donnent du goût à la vie du corps et lui procurent un indispensable sentiment de bien-être (dans un corps sain une âme saine). Mais bel et bien dans la direction relationnelle, interpersonnelle et en tenant compte surtout de sa dimension spirituelle.
Mon propos n’est donc pas d’aller dans la direction de traquer les maladies dont les premiers symptômes sont de telles pertes sensorielles. Il ne s’agit donc pas de traquer des biomarqueurs essentiels ou secondaires qui peuvent permettre de détecter de façon précoce bien des maladies (parkinson, Alzheimer). C’est sur le terrain spirituel que je déplace le débat et la présentation.
Cependant, avant d’y aller franchement encore une réminiscence, je crois utile pour la suite. C’est la fameuse chanson du roi lion ou un animal qui chante au sujet d’un autre en avouant de ne pas pouvoir le sentir. Suivons nos narines.
Sentir en chrétien c’est quoi au juste ? On dit d’un tel ou tel : Il est mort en odeur de sainteté. Ce que je pense par exemple au sujet d’un de mes cousins qui se contentait de l’eau de Cologne comme ce fut d’usage autrefois pour sentir bon physiquement, mais qui était tout en bonne odeur dans sa vie spirituelle.
A la mort de certains saints, le parfum de rose se dégage de façon inattendue. Du physique il n’y a qu’un pas au spirituel. L’humour de Dieu parfois est si surprenant. C’est presque enfantin, et justement ça sent bon pouvait s’extasier la petite Thérèse, celle de l’Enfant Jésus, comme chaque enfant est capable de le faire.
Les orthodoxes utilisent beaucoup l’encens bien odorant pour honorer Dieu et ses saints. Dans l’Église catholique on s’en sert surtout pour les grandes célébrations. Avec des remarques un peu à la limite, du style, ça pue. Au-delà des problèmes d’asthmes pour certains, une bonne éducation olfactive chrétienne s’impose.
Cette difficulté culturelle est bien présente dans nos sociétés occidentales bien marquées par la perte de l’odorat spirituel. La solution, il faut rééduquer l’odorat spirituel. Le physique ne serait alors qu’un accident au sens de la philosophie aristotélicienne et thomiste du terme. Le centre d’intérêt se déplacerait du corps vers l’âme.
Est-ce si sûr que nous voulions suivre un tel mouvement ? Sans négliger le corps dans son hygiène au minimum basique, se concentrer surtout sur l’âme. Sentir chrétien, car voir chrétien, entendre chrétien, parler chrétien, toucher chrétien, marcher chrétien. Sentir chrétien, car transpirer chrétien.
Tout un programme pour rééduquer les sens. L’odorat est le plus sensible, le plus basique, le moins indispensable. Tout au moins c’est ainsi qu’il est d’abord vu. Rééduquer n’a rien à voir avec les systèmes forcés, cela n’a jamais marché. Rééduquer c’est travailler soi-même dans la bonne direction. Mais l’idée ne suffit pas, il faut du carburant pour opérer une telle transformation.
Comment le faire. Où trouver les champs de blé de la parole de Dieu en fleur et les prairies où les abeilles de la vie spirituelle, telles des anges, butinent et ainsi répandent l’odorat qui sert de louange de Dieu.
Saint Paul le dit quelque part.
“Grâces soient rendues à Dieu, qui nous fait toujours triompher en Christ, et qui répand par nous en tout lieu l’odeur de sa connaissance ! Nous sommes, en effet, pour Dieu la bonne odeur du Christ.”
2 Corinthiens 2:14-15
On répertorie 46 Versets de la Bible sur Odeurs. Souvent il s’agit de descriptions de qualités olfactives de Dieu lui-même qui, suivant l’odeur, agrée les sacrifices ou pas. L’odeur est celle de la droiture et de la sincérité avec lesquelles le sacrifice est offert à Dieu. Pour culminer dans le Nouveau Testament avec le sacrifice du Christ dont la bonne odeur est reconnue dans l’obéissance et qui se répand chez ses disciples.
Tout cela reste à vérifier, mais tous sont sans doute appelés à répondre à cette même bonne odeur. Sinon, comment y parviennent-ils, comme le rappelle saint Paul, par la connaissance ? Un parfum qui porterait ce nom emblématique, ce qui veut dire naître avec. Et le faire savoir.
“Marchez dans la charité, à l’exemple de Christ, qui nous a aimés, et qui s’est livré lui-même à Dieu pour nous comme une offrande et un sacrifice de bonne odeur.” C’est encore de lui, Paul, Éphésiens 5:2.
Offrande de bonne odeur, on comprend assez facilement. C’est comme les bâtonnets d’encens, comme les grandes messes chez les chrétiens orthodoxes ou catholiques, c’est comme l’odeur du parfum de Marie versé sur les pieds de Jésus. Pour le sacrifice on est moins enclin, car cela coûte bien plus que le plaisir de dépenser pour faire des cadeaux de bienvenue ou d’action de grâce.
La bonne odeur du Christ vient de son offrande et de son sacrifice. La nôtre aussi et peu importe dans quel ordre. Car on peut se sacrifier sans offrir. Le sacrifice non consenti spirituellement, mais fait pour des idées, et leurs effets. Or Jésus d’abord s’est offert et le reste n’était presque plus de son ressort.
La connaissance de ce Christ-là conduit à l’usage conscient de la bonne odeur de la foi. Le croyant s’en parfume tous les matins et les soirs lors de sa toilette spirituelle qu’est la prière. Et le dimanche, avec toute la discrétion qui le caractérise, il s’en endimanche. Bonnes vacances, y compris le dimanche.